« Mon bac techno m’a permis d’entrer à Centrale Lyon et de faire le métier de mes rêves »
« Mon bac techno m’a permis d’entrer à Centrale Lyon et de faire le métier de mes rêves »
Par deux fois, Damien a renoncé à « l’excellence académique », d’un bac S d’abord, puis de Centrale Paris. Des choix qui lui ont permis de travailler comme ingénieur dans une écurie de formule 1, sa passion de toujours.
Damien, 25 ans. / La Zep
Voix d’orientation. Le Monde Campus et La ZEP, média jeune et participatif, s’associent pour faire témoigner lycéens et étudiants de leurs parcours d’orientation. Cette semaine, Damien, 25 ans, Paris.
« Mes souvenirs de scolarité font maintenant sourire dans ma famille. Pourtant, celle-ci ne laissait rien présager de brillant pour mon avenir. Quand je repense au primaire, je me rappelle principalement des maîtres et maîtresses désabusés par mes grandes difficultés de concentration et des résultats plus que moyens. Au collège, mes professeurs sont passés au stade supérieur : ils ont commencé à perdre patience et à se dire que quelque chose ne tournait pas rond. Un élève avec des résultats très moyens peut être toléré, mais s’il commence à semer le désordre, il faut faire quelque chose. En cinquième et quatrième, je passais la grande majorité de mes samedis matins dans une salle de classe à purger mes heures de colle récoltées au cours de la semaine.
A l’époque, ma mère m’avait appris un mot : monomaniaque. C’est ce que j’étais à propos de la formule 1. Je ne pouvais rater aucune course et rêvais de travailler un jour sur ces voitures uniques. Avoir une passion est une chance, mais j’étais incapable de m’investir dans quelque chose qui n’y était pas lié, de près ou de loin. Et malheureusement, le programme d’histoire de quatrième ne parlait pas du sacre d’Alonso en 2005 !
Le bac général pour réussir
Etant douloureusement arrivé jusqu’en seconde avec un brevet en poche et sans passer par la case redoublement, j’ai dû faire face à une évidence : mon dossier était trop faible pour obtenir le passage en première S. J’avais le choix entre le redoublement et une filière technologique. Cela a été vite fait : pourquoi refaire un an de seconde, quand je peux étudier la mécanique et l’électronique en préparant un bac technologique STI [sciences et technologies de l’industrie, actuel baccalauréat sciences et technologies de l’industrie et du développement durable – STI2D] ? Ce choix semblait évident du point de vue de l’élève que j’étais. Mais parents et professeurs considèrent qu’il est nécessaire d’obtenir un bac général pour réussir en France. Absurde.
Grâce à mon entourage, faire le choix du bac STI n’a pourtant pas été la partie la plus difficile. Trouver un établissement qui m’accepte a été le vrai challenge : j’ai enchaîné les entretiens avec les proviseurs jusqu’à quelques semaines avant la rentrée en première.
J’ai heureusement été accepté au lycée Richelieu à Rueil-Malmaison (Hauts-de-Seine) et me suis rendu compte que le choix du technologique aurait dû être le premier sur ma liste, bien avant S. Sans en avoir vraiment conscience, j’ai cessé de m’asseoir au dernier rang, et suis passé au premier. J’ai arrêté d’essayer de faire rire mes camarades et j’ai commencé à poser des questions aux professeurs. Deux ans plus tard, je me retrouvais accepté en classe prépa TSI [technologies et sciences de l’ingénieur, réservée aux bacs technos], avec un bac mention très bien en poche. Sans une seule heure de colle.
Impossible de rattraper le retard
Motivé par mon rêve de formule 1, j’ai tout donné pendant deux ans de prépa et j’ai été admis à Centrale Paris. J’ai finalement décidé de rejoindre Centrale Lyon pour son écurie de Formula Student et son lien plus étroit avec l’industrie automobile et la mécanique.
Malgré ce que l’on entend souvent, mes trois ans d’école d’ingénieur n’ont pas été de tout repos. Ils le sont peut-être quand on vient des classes préparatoires des lycées Ginette ou Henri-IV, mais pas quand on a fait TSI à Rueil-Malmaison. Sur une promotion de 400 élèves, nous étions cinq à provenir de TSI, et seulement trois à être diplômés.
Avec du recul, je ne pense pas que le rythme de classe préparatoire technologique soit moins élevé qu’en filière classique, mais il faut admettre qu’on part de plus loin. Lorsque je faisais mes TP [travaux pratiques] d’automatique ou de productique en terminale STI, les élèves de S étudiaient déjà les lois à densité et les niveaux de confiance. Il était impossible de rattraper ce retard par rapport aux meilleurs élèves de France en deux ans de prépa. Mais heureusement, des places sont réservées aux filières technologiques : deux à Polytechnique et dix à Centrale Paris en 2011, lorsque j’ai passé les concours.
Une fois l’école intégrée, il ne fallait surtout pas baisser les bras. Le plus difficile était les mathématiques. J’avais l’impression d’être dans un cours d’italien LV1 [langue vivante 1] après avoir fait dix ans d’espagnol : on essaie de se convaincre qu’on comprend, mais en fait, on est complètement perdu. Le premier semestre a été un choc et je me souviens avoir minoré la promo avec un 1,5/20 en probabilités et statistiques. Je n’avais jamais étudié ni l’un ni l’autre au lycée ou en prépa, contrairement à tous mes camarades.
Un master en parallèle
Après deux ans au sein de l’école, le jury a décidé de se séparer de moi car mes résultats étaient trop faibles. Il faut avouer que je préférais passer du temps à travailler sur ma propre voiture de Formula Student plutôt qu’à réviser les partiels. J’ai réussi à les convaincre que j’y méritais ma place et ai obtenu gain de cause et le droit à un redoublement pour valider mes matières manquantes.
En parallèle de ma dernière année, j’ai suivi un master de mécanique structurelle avec l’université Lyon-I. J’ai effectué mon stage de fin d’études dans une écurie de formule Renault à Toulouse ; puis j’ai gagné la finale européenne de l’Infiniti Engineering Academy, qui m’a ouvert les portes de l’écurie Renault Sport Formula One Team. Au terme de ce programme d’un an en Angleterre, j’ai obtenu un CDI au sein de cette écurie, où je travaille maintenant sur les systèmes d’hybridation du moteur de formule 1 à Paris.
Le système scolaire français dispose d’énormément de combinaisons et possibilités pour essayer de répondre au mieux aux besoins et intérêts de chacun. Malheureusement, la tendance est de former le plus possible les élèves et étudiants à rentrer dans le moule perçu comme étant celui du succès. Mes choix – bac technologique plutôt que général, et Centrale Lyon plutôt que Centrale Paris – allaient à l’encontre de l’idée d’“excellence académique” que la méritocratie latente des études supérieures scientifiques s’acharne à promouvoir. Pourtant, ils m’ont permis d’arriver où je suis aujourd’hui et montrent qu’il n’y a aucun meilleur choix que le sien. »
Logo ZEP / La ZEP / Le Monde
La zone d’expression prioritaire (ZEP) accompagne la prise de parole des 15-25 ans
La zone d’expression prioritaire (ZEP) est un dispositif d’accompagnement à l’expression des jeunes de 15 à 25 ans par des journalistes professionnels. Par l’intermédiaire d’ateliers d’écriture dans des lycées, universités, associations étudiantes ou encore dans des structures d’insertion, ils témoignent de leur quotidien et de l’actualité qui les concernent.
Tous leurs récits sont à retrouver sur la-zep.fr, et, pour certains, ci-dessous :