Pollution : jugé en appel pour « faux témoignage », le professeur Aubier reconnaît « une erreur »
Pollution : jugé en appel pour « faux témoignage », le professeur Aubier reconnaît « une erreur »
Par Stéphane Mandard
Condamné en première instance à six mois de prison avec sursis, l’ancien pneumologue était jugé en appel vendredi pour avoir dissimulé ses liens avec Total devant le Parlement.
Michel Aubier est coutumier des jeux de mots involontaires. « Total était totalement indépendant de mes activités pour l’AP-HP », a répété à la barre l’ancien pneumologue de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris, lors de son procès en appel, vendredi 5 octobre.
Le Pr Aubier avait été condamné, le 5 juillet 2017, par le tribunal correctionnel de Paris, à six mois de prison avec sursis et à 50 000 euros d’amende. L’ancien chef du service pneumologie de l’hôpital Bichat, à Paris, était jugé pour « faux témoignage » devant le Parlement. Une première.
Auditionné le 16 avril 2015 par la commission d’enquête sénatoriale sur le coût financier de la pollution de l’air, le Pr Aubier avait déclaré qu’il n’avait « aucun lien avec les acteurs économiques » du secteur, omettant de préciser qu’il était salarié depuis 1997 par le groupe Total comme médecin-conseil et membre du conseil d’administration de la Fondation Total depuis 2007.
« La seule question qui se pose, c’est : le professeur a-t-il menti ? », a résumé, vendredi 5 octobre, l’avocate générale Anne-Françoise Tissier. « Je vous demande de répondre positivement à cette question », a-t-elle conclu, demandant une condamnation de 30 000 euros d’amende. Le jugement a été mis en délibéré au 9 novembre.
« C’est la porte ouverte à toutes les suspicions, aux “fake news” »
Costume-cravate sombre et teint hâlé, Michel Aubier a, lui, nié avoir menti devant les sénateurs. « Je reconnais m’être trompé, mais ce n’était pas intentionnel. J’ai fait une erreur mais je n’ai pas menti ». Me François Saint-Pierre a tenté d’expliquer que « dans un contexte de stress », son client avait « confondu les notions de conflit et de lien d’intérêt » et commis une « erreur d’interprétation » qui a « ruiné toute sa carrière ».
Des arguments qui n’ont pas convaincu l’avocate générale : « Quand on lui demande s’il a des liens avec des acteurs économiques, il ne peut pas ne pas savoir. Ce mensonge sous serment est une infraction grave, avec un dommage important pour toute la société. C’est la porte ouverte à toutes les suspicions, aux fake news ».
Comme Le Monde l’avait révélé avant le procès, Michel Aubier, surnommé le « docteur diesel » en raison de ses prises de positions minimalistes sur les effets de la pollution, avait été rémunéré jusqu’à 170 000 euros par le groupe Total en 2014.
Décidément très étourdi, cette collaboration avec le groupe pétrolier, le Pr Aubier avait également omis de la déclarer auprès de la Haute Autorité de santé, dont il était membre, ainsi qu’à son employeur principal, l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris.
L’étonnant partenariat de l’AP-HP avec Total
L’affaire Aubier servira « d’électrochoc » pour « traiter ce mal que représentent les conflits d’intérêts », avait réagi le patron de l’AP-HP, Martin Hirsch, après la condamnation en première instance. En avril, l’AP-HP a pourtant signé un étonnant accord de partenariat avec… Total. Un partenariat qui rapporterait 300 000 euros sur trois ans à l’AP-HP.
L’un des deux volets prévoit que « l’AP-HP autorisera un praticien à assurer, une demi-journée par semaine, un rôle de médecin-conseil auprès du groupe Total ». Une mission qui ressemble à s’y méprendre à celle qu’assurait Michel Aubier. Et qui n’a pas échappé à son avocat : « C’est la preuve que cette pratique est institutionnalisée et que le comportement de Michel Aubier n’a pas été préjudiciable pour l’AP-HP. »
« Le praticien concerné devra rendre public ce lien d’intérêt et s’interdira de prendre aucune position, publique ou dans le cadre d’un travail d’expertise, sur des questions pouvant avoir une relation directe ou indirecte avec les activités du groupe Total », précise l’institution pour déminer la polémique.