Visé pour « usage d’engins pyrotechniques », le club parisien a déjà été sanctionné pour ce motif lors d’un match de Ligue des champions contre le Real Madrid, en mars au Parc des Princes. / PIERRE-PHILIPPE MARCOU / AFP

La commission de discipline de l’UEFA doit se réunir, jeudi 18 octobre, afin d’examiner les incidents survenus lors du match de Ligue des champions PSG-Etoile rouge de Belgrade, le 3 octobre à Paris. La procédure ne concerne pas les affrontements qui ont eu lieu hors du stade ce soir-là, mais le club parisien est poursuivi pour « usage d’engins pyrotechniques » (les fumigènes allumés par les supporteurs « ultras » parisiens) et « troubles dans le public ». Cette dernière charge pèse aussi contre l’Etoile rouge, en plus des « chants illicites » proférés par certains de ses supporteurs. Quelle est la politique de sanctions de l’UEFA ? Comment s’applique-t-elle ? Ces sanctions sont-elles fréquentes ?… Tour d’horizon.

  • Comment sont décidées les sanctions ?

Le règlement disciplinaire de l’UEFA répertorie la majorité des infractions passibles de sanctions : trucage et atteinte à l’intégrité des matchs (article 12), dopage (article 13), racisme et comportement discriminatoire (article 14), comportement incorrect de joueurs et d’officiels (article 15), et défaillance dans l’ordre et la sécurité des matchs (article 16).

Des sanctions sont énoncées dans certains articles. Par exemple, lorsqu’un joueur a tenu des propos racistes, l’article 14 prévoit une « suspension d’au moins dix matchs ».

L’annexe de ce règlement contient également une liste de sanctions prévues pour chaque infraction. En cas d’envahissement du terrain par des supporteurs d’un club, ce dernier est passible d’une amende de 5 000 euros.

Pour rendre sa décision, la commission de discipline peut prendre en considération cette liste de sanctions, mais aussi statuer en fonction des « circonstances particulières propres à chaque cas », selon l’UEFA. Autrement dit, se montrer plus sévère envers un club qui commet des infractions répétées au règlement.

  • Que risque le PSG ?

Visé pour « usage d’engins pyrotechniques », le club parisien a déjà été sanctionné pour ce motif lors d’un match de Ligue des champions contre le Real Madrid, en mars. Il s’est vu infliger une fermeture de sa tribune nord pour une rencontre – appliquée contre l’Etoile rouge, au début d’octobre.

Dans le cas d’une récidive, une sanction plus sévère est prévue : une amende d’un montant de 500 euros par fumigène allumé, majorée de 50 %. En plus de celle-ci, l’UEFA devrait avoir la main plus lourde en exigeant une nouvelle fermeture de tribune pour un ou plusieurs matchs, voire prononcer un huis clos pour une rencontre.

Une autre charge a été retenue contre le club, « troubles dans le public ». Cette infraction concerne des faits variés et ne renvoie à aucune sanction prédéfinie. Au regard de la jurisprudence cette année pour ce motif, Marseille et l’AS Rome ont été interdits de vente de billets à leurs supporteurs pour deux matchs à domicile (dont un avec sursis), alors que le club écossais d’Aberdeen a été condamné à une amende de 10 000 euros.

  • L’utilisation de fumigènes est-elle plus sanctionnée que les chants racistes ?

L’UEFA a officiellement fait de la « tolérance zéro envers le racisme » sa priorité ces dernières années, et affirme avoir « introduit des clauses spéciales et particulièrement sévères » pour lutter contre le phénomène. L’article 14 du règlement disciplinaire prévoit « au minimum une fermeture partielle du stade » pour un club dont les supporteurs ont fait preuve d’un comportement raciste, et « un match à huis clos et 50 000 euros d’amende » en cas de récidive.

Encore faut-il que ces sanctions soient prononcées. Cette année, trois procédures ouvertes pour « comportement raciste » ont été abandonnées. En février, aucune sanction n’a été prise contre l’Atalanta Bergame lors d’un match contre Dortmund, ce qui a provoqué l’indignation du joueur Michy Batshuayi, qui estime avoir été la cible de cris de singe.

La décision rendue en début d’année contre le Partizan Belgrade résume, pour certains, le manque de proportionnalité des pénalités par rapport à la gravité des infractions : visé pour envahissement de terrain, usage de fumigènes et chants racistes de ses supporteurs, le club serbe a été puni d’une amende de 30 000 euros pour les deux premiers motifs, mais aucune sanction pour le dernier.

« L’UEFA applique une politique de la facilité, affirme Thierry Granturco, avocat aux barreaux de Paris et de Bruxelles et spécialiste du droit du sport. Quand il y a des escaliers bloqués, l’amende est systématique. Quand il y a des chants racistes, tout le monde entend mais personne ne sanctionne. » De son côté, l’institution évoque la difficulté à rassembler des preuves formelles lors de ce type d’infraction.

Dans les faits, alors que le motif « racisme » a été retenu à dix reprises – et sanctionné sept fois – lors de procédures disciplinaires cette année, 35 cas d’« usage d’engins pyrotechniques » ont été retenus et systématiquement sanctionnés.

  • Pourquoi l’UEFA continue-t-elle d’infliger des huis clos ?

Le principal reproche adressé aux peines de huis clos est le caractère collectif de la sanction, qui ne cible pas les responsables des infractions. « On pénalise des supporteurs qui n’ont rien à se reprocher, on détruit le spectacle et l’ambiance propres au foot. Sportivement, cette mesure est absurde », avance Thierry Granturco.

« L’UEFA préfère sanctionner les clubs pour ne pas avoir à gérer le problème des supporteurs. Mais c’est aussi à elle d’agir, en investissant davantage dans la recherche et l’identification des responsables. »

De son côté, l’institution affirme que « cette mesure a fait preuve de son efficacité ». Pénaliser un club, notamment financièrement (4 millions d’euros de recettes en moins pour Lyon lors de son match à huis clos contre le Chakhtar Donetsk, au début d’octobre), inciterait celui-ci, selon elle, à se pencher sur le problème de ses supporteurs radicaux.

  • Faut-il sanctionner un club pour les agissements de ses supporteurs ?

Pour l’UEFA, la réponse est oui. Selon l’article 8 du règlement disciplinaire, un club ou une sélection est responsable de ses supporteurs, et sanctionné pour les infractions commises par ces derniers « même s’il peut prouver l’absence de toute forme de faute ou de négligence ». Juridiquement, « cela se justifie », reconnaît Thierry Granturco. Mais, dans les faits, « un club ne peut pas être responsable d’individus qui, par définition, sont irresponsables », estime l’avocat.

La question se pose d’autant plus à l’heure où la technologie dans les stades – vidéosurveillance et images de diffusion télé – permet d’identifier plus facilement les responsables d’infractions. « Il est temps d’appliquer la responsabilité individuelle, quand la technologie le permet », déclarait en septembre l’avocat de la Juventus de Turin, condamnée par la ligue italienne pour des cris de singe de certains de ses tifosi.

Mais la volonté politique des clubs pèse également. Le PSG a fait le choix de chasser les ultras de son stade entre 2010 et 2016 (plan Leproux), avant d’autoriser leur retour, rigoureusement encadré par une convention. En cas de non-respect de celle-ci, la sanction tombe : une quarantaine de supporteurs ont été exclus pour un an à la suite des débordements contre l’Etoile rouge et l’Olympique lyonnais.

De son côté, l’OL a longtemps été réticent à faire le tri dans ses supporteurs. « Nous ne sommes pas là pour faire le ménage dans les jeunesses identitaires à Lyon », affirmait en 2015 le « stadium manager » du club. Le président, Jean-Michel Aulas, a aussi été accusé de prôner la sévérité dans son discours, mais pas dans les faits.

Confronté à l’impact des sanctions de l’UEFA, l’OL semble néanmoins décidé à se saisir du problème. L’auteur du salut nazi à Manchester City, à la fin de septembre, a rapidement été identifié par les services de sécurité du club, qui a promis de le bannir de stade à vie. Et jeudi 4 octobre, lors d’une réunion entre le préfet du Rhône, Jean-Michel Aulas et les deux groupes d’ultras, des pistes ont été envisagées : une charte déontologique à signer et une carte de membre avec photo pour mieux identifier les interdits de stade.