En Afrique du Sud, des clubs de codage pour les écoliers des townships
En Afrique du Sud, des clubs de codage pour les écoliers des townships
Le Monde.fr avec AFP
Dans un pays où plus de 50 % des jeunes sont au chômage, l’acquisition de compétences informatiques renforce les chances de trouver un emploi.
Des élèves assemblent des composants informatiques lors d’un concours de codage et de robotique dans le township d’Ivory Park, en Afrique du Sud, le 12 septembre 2018. / WIKUS DE WET / AFP
Il est 14 heures, ce mercredi 12 septembre, dans le township densément peuplé d’Ivory Park, entre Johannesburg et Pretoria, en Afrique du Sud. Pour une soixantaine d’écoliers de 11 ans, c’est l’heure de s’affronter dans leur club local de codage informatique. Le codage est l’ensemble des instructions qu’un robot ou un programme d’ordinateur lit puis exécute. Dans les clubs de codage, les élèves apprennent à concevoir ces codes.
Armées de blocs de codage basiques, de kits pour inventeurs, d’ordinateurs portables et d’une imagination sans limite, six équipes formées d’élèves du primaire sont en compétition. Les enfants utilisent des tableaux électroniques pour fabriquer des circuits et des prototypes, s’efforçant de concevoir des solutions technologiques pour résoudre des problèmes qu’ils ont identifiés dans leur communauté.
« Nous fabriquons une couveuse qui aide les enfants prématurés et ceux qui sont malades », explique à l’AFP Sifiso Ngobeni, un élève de l’école primaire Mikateka, à la périphérie de Johannesburg. Ses rivaux de l’école primaire Sedi-Laka se sont quant à eux attaqué au fléau des enfants disparus. « Aux infos, on entend toujours parler de la disparition d’enfants. Donc nous fabriquons un appareil de pistage qui peut être placé dans les vêtements et les jouets des enfants », explique l’un d’entre eux.
A la traîne en mathématiques
Bien que les Sud-Africains aient de plus en plus accès à l’éducation depuis la fin de l’apartheid, le système éducatif n’est souvent pas à la hauteur. « Le fait que 80 % des enseignants utilisent toujours de la craie et un tableau noir est une cause de grande inquiétude », estime Hendrick Makaneta, qui milite pour une meilleure éducation : « Il n’est pas bon qu’une classe de 2018 soit exactement comme une classe de 1918. »
Des études, y compris l’étude internationale Trends in International Maths and Science Study, qui mesure les performances en mathématiques et en sciences dans le monde, montrent que l’école publique sud-africaine est à la traîne, particulièrement dans ces deux disciplines, qui sont pourtant des secteurs de compétence clés.
Les clubs de codage ont rapidement réussi à se trouver un créneau. En septembre, le ministère sud-africain de l’éducation a annoncé qu’il soutiendrait les clubs, qui sont aussi populaires dans d’autres pays africains comme le Kenya ou le Botswana. En Afrique du Sud, ils sont pour la plupart animés gratuitement par des ONG comme ORT-SA, CodeJika et We Think Code.
« La volonté est là et nos écoles y sont favorables. Certains ont déjà un entraînement de base au codage dans le cadre de leur cursus dans des écoles techniques, a déclaré un porte-parole du ministère de l’éducation, Elijah Mhlanga. Les élèves y seront exposés, de sorte que lorsqu’ils grandiront, ils seront vraiment conscients de ce que cela va exiger d’eux. »
Dans un pays où plus de 50 % des jeunes sont au chômage, les clubs de codage augmentent leurs chances de trouver un emploi. « Les clubs enseignent les bases du codage et de la programmation. Nous faisons du codage basique, en utilisant des blocs, et quand les élèves vont au collège, nous les initions à des programmes plus complexes », explique à l’AFP Chamu Mawire, l’un des responsables d’ORT-SA.
Réparer les robots du futur
Selon un rapport du cabinet McKinsey de 2018, 45 % des tâches d’aujourd’hui pourraient être automatisées grâce à la technologie actuelle. Et selon le Forum économique mondial, 33 % des emplois de 2020 n’existent pas encore. Mais d’innombrables aspects de la vie, des sciences à l’ingénierie, en passant par les services financiers, le droit ou l’art, dépendront du codage.
La plupart des étudiants d’Ivory Park ont l’habitude d’utiliser des smartphones, des smart télés et Internet, mais faire du codage et comprendre des algorithmes est un tout autre défi. Et pour qu’ils aient envie d’apprendre, le codage doit leur être utile dans la vie quotidienne, souligne Chamu Mawire. « Nous voulons qu’ils identifient des problèmes dans leur région ou leur école, ensuite ils font des projets pour essayer de résoudre ces problèmes dans leur vie quotidienne », ajoute-t-il.
Chamu Mawire imagine que ses étudiants travailleront dans les domaines du développement ou de la maintenance de logiciels, ou de la réparation des gadgets et robots du futur. « Une fois que vous avez un enfant qui a confiance en lui, il peut aller de l’avant », souligne-t-il. S’entraîner au codage dès l’enfance ou l’adolescence peut aider en particulier à développer les perspectives des filles, relève-t-il, alors qu’elles sont plus vulnérables, exposées à l’exclusion et à l’analphabétisme, et souvent dépendantes des hommes à l’âge adulte.
Les Débats du « Monde Afrique » : à Dakar, deux jours consacrés à la jeunesse ouest-africaine
A Dakar, les 22 et 23 novembre, la quatrième édition des Débats du Monde Afrique sera placée sous le signe de « l’éducation et la formation des jeunes en Afrique de l’Ouest ». Consultez le programme et inscrivez-vous en cliquant ici.
Les débats et tables rondes qui ponctueront la première journée, au Grand Théâtre national de Dakar, porteront sur les apprentissages nécessaires au citoyen du XXIe siècle et sur les compétences qu’il doit développer pour traverser le siècle. Difficile aussi d’éluder les formations scientifiques, sans lesquelles les entreprises ne trouveront pas la main-d’œuvre nécessaire au développement des pays et qui se doivent d’être suffisamment attractives et ouvertes sur l’innovation pour séduire les générations nouvelles.
Au deuxième jour de l’événement, un focus particulier sera porté aux métiers du secteur de l’énergie, afin de comprendre quelles sont les formations d’avenir et les débouchés possibles. Les étudiants des universités sénégalaises seront les bienvenus au sein d’ateliers leur permettant de comprendre comment créer son propre emploi sur un continent où le salariat reste le maillon faible. Ce sujet sera discuté au sein de master class spécialement organisées à leur intention au sein des universités.