Sélection albums : Stravinsky, Véronique Sanson, Duarte…
Sélection albums : Stravinsky, Véronique Sanson, Duarte…
A écouter cette semaine : une intégrale définitive du grand Igor, une éternelle amoureuse en duos, du fado à la fraîcheur contemporaine…
- Einojuhani Rautavaara
90th Anniversary Edition – Concerto pour harpe, Symphonie n° 8 « The Journey »
Marielle Nordmann (harpe), Orchestre philharmonique d’Helsinki, Leif Segerstam (direction)
Pochette de l’album « 90th Anniversary Edition », œuvres d’Einojuhani Rautavaara. / ONDINE/OUTHERE
En 1955, Einojuhani Rautavaara (1928-2016) part étudier à New York grâce à une bourse que lui a octroyée son compatriote Jean Sibelius (1865-1957). Les trois repères – Sibelius, la Finlande et les Etats-Unis – de cette amorce biographique vont constituer les trois bornes de l’espace propre à Rautavaara, sorte de triangle des Bermudes où viendront s’abîmer de nombreuses références esthétiques, sans dommage pour le compositeur. Présenté au « pays des mille lacs » comme le digne héritier de Sibelius, Rautavaara a toujours été très apprécié outre-Atlantique. A preuve, les deux partitions réunies sur le premier des deux CD proposés par Ondine à l’occasion du 90e anniversaire de sa naissance. Le Concerto pour harpe, fascinante illustration du pouvoir de séduction de Rautavaara, a été commandé par l’Orchestre du Minnesota et la 8e Symphonie, vertigineuse mise en scène de la fuite, par celui de Philadelphie. Constitué d’extraits d’une dizaine d’œuvres, le second CD justifie joliment le qualificatif de « caméléon » souvent attribué à Rautavaara. Pierre Gervasoni
2 CD Ondine/Outhere.
- Igor Stravinsky
L’Œuvre pour violon
Volume 1 : Pastorale. Extraits de L’Oiseau de feu. Chanson russe. Danse russe. Duo
concertant. Suite. Air du Rossignol. Marche chinoise. Arrangement de La Marseillaise
Volume 2 : Pastorale. Ballade. Suite italienne. Elégie. Divertimento. Concerto en ré. Variation d’Apollon. Tango
Ilya Gringolts (violon), Peter Laul (piano), Orchestre symphonique de Galice, Dima Slobodeniouk (direction).
Pochette de l’album « L’Œuvre pour violon », consacré à Igor Stravinsky. / BIS RECORDS
Une grande réussite que cette intégrale de l’œuvre pour violon de Stravinsky, la plus complète jamais publiée puisqu’elle n’oublie pas de proposer éventuellement deux versions d’une même œuvre – ainsi de la Suite et de la Suite italienne, toutes deux tirées de Pulcinella. Présentée en deux volumes assortis de notices éclairantes sur les rapports du grand Igor (autodéclaré allergique au duo piano et violon) avec le violoniste Samuel Dushkin, également inspirateur de Copland et Martinu, à qui il dédiera notamment le Concerto pour violon de 1931 et réalisera une série de transcriptions. Le violon vif et virtuose, tour à tour poète, danseur ou sarcastique d’un Ilya Gringolts audacieusement inspiré, le piano suprêmement complice de Peter Laul, la direction enlevée de Dima Slobodeniouk à la tête d’un Orchestre symphonique de Galice aux taquets : la somme de ces deux volumes se place d’emblée au sommet de la discographie. Marie-Aude Roux
2 CD BIS Records.
- Zoot Octet
Zoot Suite vol. 2
Pochette de l’album « Zoot Suite vol. 2 », du Zoot Octet. / ZOOT RECORDS / SOCADISC
Constitué, à ce jour, d’une douzaine de musiciennes et musiciens, le collectif Zoot compte parmi ses différents groupes un octette, dont vient de paraître un deuxième album. Organisée en quatre mouvements, cette Zoot Suite vol. 2 – le premier album du Zoot Octet a été publié en 2017 – a dans ses mélodies et les alliances instrumentales des évocations des rêveries de Monk (Concerto for Codji par exemple), des moyennes formations d’Ellington (Salmon Jump) ou de Mingus (Zoot Emergency), le suave et sophistiqué du jazz dit « west-coast » des années 1950 (Lady Young of Algiers est un régal). Tout y est subtil, dans l’écriture, l’interprétation, les arrangements pour la formation accompagnée sur plusieurs compositions par un quatuor à cordes, non pas dans une fonction de surlignage, mais bien d’un élément autonome. Sylvain Siclier
1 CD Zoot Records/Socadisc.
- Véronique Sanson
Duos volatils
Pochette de l’album « Duos volatils », de Véronique Sanson, avec une quinzaine de chanteuses et chanteurs. / COLUMBIA / SONY MUSIC
Dans La Même Tribu volume 2, fin mai, Eddy Mitchell avait convié Véronique Sanson à interpréter en duo Le Cimetière des éléphants. En retour, le voici invité par la chanteuse sur son album Duos volatils, lui aussi conçu sur le modèle de reprises en duo de succès et de quelques chansons moins connues. Avec un homme comme toi, avec Mitchell, est l’une des réussites de ce disque. Comme Vols d’horizon, avec Bernard Lavilliers, Doux dehors, fou dedans, avec Michel Jonasz, et Tu sais que je l’aime bien, avec Jeanne Cherhal. Les trois s’appropriant la chanson et en belles harmonies dans les parties à deux. Dans Celui qui n’essaie pas, les échanges se font avec Louis, Anna et Matthieu Chedid, à chacune/chacun une ou deux lignes du texte, qui donnent un effet de surprise bienvenu. Le reste s’oublie vite ou laisse sceptique lorsque le trémolo, la marque de Véronique Sanson, est surjoué, notamment par Christophe Maé, Patrick Bruel ou Julien Doré. S. Si.
1 CD Columbia/Sony Music.
- Raoul Vignal
Oak Leaf
Pochette de l’album « Oak Leaf », de Raoul Vignal. / TALITRES
Dans le prolongement des figures tutélaires outre-manche, Nick Drake et John Martyn, le guitariste Raoul Vignal se plaît à faire bouger délicatement les lignes de la chanson folk. Cet auteur, compositeur et interprète lyonnais a touché notre corde sensible en 2017 avec son premier album, The Silver Veil, habité d’arpèges ellliptiques et d’une voix à la sérénité envoûtante. Après une tournée qui l’a vu traverser la France puis l’Europe, le troubadour de la six-cordes sort son second album, Oak Leaf, aux mélodies toujours évanescentes. Enregistrées au studio Mikrokosm à Lyon, les dix compositions ont été mixées au studio Klangbild, à Berlin, où The Silver Veil avait été conçu voilà deux ans. Entouré cette fois d’une section rythmique au profil jazz rock – Lucien Chatin (batterie) et Jordy Martin (double basse) –, Vignal élargit audacieusement son champs lexical, au travers d’une rythmique batida (No Faith), de douces errances post-rock (The Waves) ou jazz pop (I Have Sinned). Franck Colombani
1 CD Talitres.
- Duarte
So a cantar
Pochette de l’album « So a cantar », de Duarte. / AVM / SOCADISC
La voix douce et modulée, parfois traversée d’éclats lyriques sans sombrer dans une expression emphatique, Duarte, né en 1980 à Evora (au sud-est de Lisbonne), au-delà d’être un interprète remarquable, se singularise par ses grandes qualités d’écriture et de composition. Révélé par un premier album en 2004 (Fados Meus), il signe avec celui-ci son quatrième enregistrement, accompagné par de lumineux guitaristes (dont Paulo Parreira et Pedro Amendoeira, à la guitare portugaise). Sans trop bousculer les fondamentaux du fado traditionnel, il insuffle au genre une fraîcheur et une délicatesse qui enchantent. A l’instar de Fernando Machado Soares (1930-2014), exerçant la profession de juge au tribunal d’Almada, en même temps qu’il chantait, ou encore de Katia Guerreiro, qui commença sa carrière en continuant d’exercer sa profession d’ophtalmologiste, Duarte mène de front deux métiers, fadiste (chanteur de fado) et psychologue. Patrick Labesse
1 CD AVM/Socadisc.
- The Liminanas
I’ve Got Trouble in Mind Vol. 2
Pochette de l’album « I’ve Got Trouble in Mind Vol. 2 », de The Liminanas. / BECAUSE
Auteurs, en janvier, de Shadow People, restant à ce jour l’un des plus enthousiasmants albums rock parus cette année, le duo perpignanais des Liminanas publie une compilation, I’ve Got Trouble in Mind Vol. 2, rassemblant dix-sept titres rares essaimés depuis 2015. Loin d’être anecdotique, ce disque, baptisé du nom du premier label indépendant américain (Trouble in Mind) à les avoir signés (en 2010), incarne la quintessence d’une esthétique. Celle d’un couple de fondus de garage rock et de psychédélisme, Lionel et Marie Liminanas, vouant un culte aux 45-tours, aux faces B aussi précieuses que les faces A, aux pépites tordues ou aux reprises d’artistes fétiches (ici Time Will Tell, de Michel Polnareff, Two Sisters, des Kinks et même une version « biker » de La Cavalerie, de Julien Clerc). La sincérité et la qualité de leur démarche leur valent d’ailleurs le respect de classieux admirateurs, dont certains sont invités ici, comme Pascal Comelade, l’ancien bassiste de New Order Peter Hook, ou la petite légende psyché, Anton Newcombe. Stéphane Davet
1 CD ou double vinyle Because.