La famille Mitterrand entre au capital de Christian Bourgois Editeur
La famille Mitterrand entre au capital de Christian Bourgois Editeur
Par Nicole Vulser
Les deux partenaires n’ont pas précisé les détails de leur accord, qui a été annoncé mercredi 9 janvier.
Christian Bourgois, fondateur de la maison d’édition qui porte son nom, à Paris, en août 1989. / - / AFP
De la construction à l’édition, de la pierre au livre. A 75 ans, Olivier Mitterrand, le fondateur et président du conseil de surveillance du groupe Les Nouveaux Constructeurs, spécialisé dans la promotion de logements neufs et de bureaux, investit dans la maison d’édition fondée par Christian Bourgois. Annoncée mercredi 9 janvier, cette entrée – minoritaire – dans le capital s’effectue par le biais de la société d’investissement de la famille Mitterrand, Premier Investissement.
Pour Dominique Bourgois, présidente de la maison d’édition depuis la mort, en 2007, de son mari Christian Bourgois, il s’agit « d’un partenariat stratégique à long terme ». Le nouvel actionnaire lui garantit « une indépendance totale » et elle peut s’adosser à un partenaire financier. Christian Bourgois Editeur ne dépose pas ses comptes au tribunal de commerce. Toutefois, son chiffre d’affaires oscillerait, selon les années, entre 1,7 et 1,9 million d’euros, et ses résultats nets ne sont pas toujours bénéficiaires.
« Je reste à la tête de l’entreprise, nous gardons le personnel [cinq salariés, hors correcteurs] et les mêmes locaux. Cela ne remet absolument pas en cause les accords de distribution et de diffusion conclus avec le groupe Madrigall [Gallimard] », explique Dominique Bourgois au Monde. Ni cette dernière ni Olivier Mitterrand, président de Premier Investissement, ne donnent le montant de l’investissement réalisé. Dans un communiqué, ils affirment que l’opération s’effectue « dans le respect et la continuité de l’héritage intellectuel et de la politique éditoriale, étrangère et française de Christian Bourgois ».
« Les accords prévoient que Premier Investissement prendra le contrôle quand je m’en irai », précise Dominique Bourgois, liée d’amitié avec le frère d’Olivier Mitterrand, Frédéric (ancien ministre de la culture) depuis une quarantaine d’années. Dominique Bourgois avait également envisagé l’an dernier une alliance – qui a finalement achoppé – avec Vera Michalski-Hoffmann, PDG de Libella (Buchet/Chastel, Noir sur Blanc, Delpire...).
Depuis sa création, en 1966, la maison d’édition de Christian Bourgois, sise rue du Bac, dans le 7e arrondissement de Paris, a publié une myriade d’écrivains prestigieux, dont Jorge Luis Borges, William Burroughs, Allen Ginsberg, Ernst Jünger, Susan Sontag mais aussi Boris Vian, Georges Perec ou encore Jean-Christophe Bailly.
Accentuation des rachats et concentrations dans le secteur
Près d’un millier de titres figurent au catalogue des différentes collections dirigées, au fil des années, par Pierre Boulez, Jean-Claude Zylberstein ou Jean-Christophe Bailly. En 1989, lors de la sortie des Versets sataniques, Salman Rushdie avait été menacé de mort par une fatwa, tandis que Christian et Dominique Bourgois avaient dû, eux aussi, s’habituer à vivre plusieurs années avec des gardes du corps.
« Nous continuerons à publier chaque année une trentaine d’ouvrages », détaille Dominique Bourgois, qui peut compter sur trois « vedettes » des ventes : J.R.R. Tolkien, l’écrivain de la saga Le Seigneur des anneaux, mais aussi Toni Morrison et Fernando Pessoa. Cette année, la présidente prévoit notamment un dernier opus d’Antonio Lobo Antunes, un nouvel essai de Toni Morrison, une enquête de la journaliste américaine Amy Goldstein Janesville, consacrée à General Motors, ou encore Des anges de Pierre Edeikins, un livre générationnel sur le sexe juste avant les « années sida ».
Que signifie cette première opération capitalistique dans l’édition en 2019 ? Elle s’inscrit dans la droite ligne de l’accentuation des rachats et concentrations dans ce secteur. Depuis décembre 2017, les acquisitions majeures sont reparties de plus belle : Média Participations a croqué les Editions La Martinière, tandis qu’Editis – le numéro deux français – a été absorbé dans le giron de Vivendi.
Cette spirale destinée à augmenter le chiffre d’affaires et l’activité des éditeurs n’a guère cessé l’an dernier, même avec des maisons beaucoup plus petites. Editis a ainsi repris les éditions Héloïse d’Ormesson, Hachette Livre s’est adjoint les éditions La Plage, spécialisées dans les thématiques écologiques. Humensis a, pour sa part, acquis les éditions des Equateurs, et Albin Michel a acheté les éditions Leduc.s, centrées sur le développement personnel.
De la même façon, les éditions de l’Etudiant ont changé de main. Cette vague de rachats se développe dans un contexte morose. En effet, malgré un fort rebond à Noël, l’institut GFK table sur une baisse des ventes de 0,3% en 2018 par rapport à 2017.