Rattrapée par la polémique sur le montant de sa rémunération au titre de présidente de la Commission nationale du débat public (CNDP) – 176 518 euros brut pour l’année 2019, soit l’équivalent de 14 700 euros brut par mois, selon l’annexe au projet de loi de finances portant sur les autorités administratives et publiques indépendantes –, Chantal Jouanno a mis les pouces. « J’ai décidé de me retirer du pilotage de ce débat », a annoncé l’ancienne ministre de Nicolas Sarkozy, mardi 8 janvier sur France 2, estimant que les « conditions de sérénité nécessaires » n’étaient pas réunies.

La présidente de la CNDP avait auparavant averti de sa décision Emmanuel Macron et Edouard Philippe. L’Elysée n’a pas réagi officiellement. Matignon a pris acte. « Le gouvernement et la CNDP ont presque achevé le travail de méthodologie pour le lancement du grand débat et il sera prêt pour le 15 janvier, assure l’entourage du premier ministre. Des éléments du mode d’organisation et de pilotage seront présentés à l’issue du séminaire gouvernemental » qui devait se tenir mercredi à l’Elysée.

Multiples inconnues

La première question, en effet, est de savoir qui pilotera désormais ce « grand débat » national prévu pour se tenir du 15 janvier à la fin mars. La CNDP devait en effet se réunir mercredi et arrêter sa position quant à la poursuite de la mission qui lui avait été confiée le 14 décembre 2018 par le premier ministre. Plusieurs de ses membres avaient déjà exprimé, lors de la séance du 17 décembre, leurs craintes que l’exécutif ne soit tenté d’intervenir sur le rapport final et avaient manifesté des réticences à s’engager.

Certains estimaient en outre que, compte tenu de la nature éminemment politique de ce débat, cela n’était pas de son ressort. En témoigne la décision prise à l’issue de cette séance qui précise que « la poursuite de cette mission jusqu’à la rédaction du rapport final suppose un engagement du gouvernement à respecter pour ce débat public les principes fondamentaux de la Commission ». Il est probable que, à la suite de Mme Jouanno, c’est l’ensemble de la CNDP qui va se retirer de l’organisation du « grand débat ».

Quel que soit le pilote choisi par l’exécutif, son train de vie, sa rémunération, ses liens – réels ou supposés – avec le pouvoir seront immédiatement scrutés à la loupe.

Quelle personnalité, quelle institution présentent les garanties nécessaires de neutralité et d’impartialité pour assurer son bon déroulement et sa restitution ? Elles ne sont pas légion. De plus, quel que soit le pilote choisi par l’exécutif, son train de vie, sa rémunération, ses liens – réels ou supposés – avec le pouvoir seront immédiatement scrutés à la loupe et mis sur la place publique. Ce qui limite drastiquement le choix. Il faudra en outre qu’il dispose de moyens suffisants pour superviser un débat à l’échelle nationale.

Avant même d’être lancé, ce « grand débat » souffre de multiples inconnues, y compris sur les thèmes qu’il recouvrira. « Le président de la République a dit les points sur lesquels il ne reviendra pas, il est légitime à le faire, explique Mme Jouanno, jointe par Le Monde. Maintenant, dire qu’il y a des sujets dont on ne peut pas débattre, ça, il ne peut pas le faire. La parole doit être libre. » Elle n’en estime pas moins nécessaire la tenue de ce débat et se dit « un peu triste parce qu’il doit vraiment avoir lieu ».

Quant à la polémique sur son niveau de rémunération, la présidente de la CNDP soupçonne qu’elle ait été nourrie à dessein. « Depuis que la commission existe, elle a subi énormément d’attaques régulières pour réduire son rôle, voire demander sa suppression, parce qu’elle dérange ceux qui estiment que le débat doit rester l’apanage des élus et des experts, déplore Mme Jouanno. Ceux qui ont lancé le sujet de la rémunération, à l’évidence, voulaient torpiller le débat. »