Bientôt une nouvelle loi pour faciliter le changement d’assurance emprunteur ?
Bientôt une nouvelle loi pour faciliter le changement d’assurance emprunteur ?
LE MONDE ARGENT
Résilier l’assurance de son crédit est désormais autorisé à condition, notamment, de s’y prendre au moins deux mois avant l’anniversaire du contrat. Mais certaines banques traîneraient les pieds… Un sénateur entend renforcer ce droit.
Vous remboursez le crédit de votre maison ? Une part importante de votre mensualité est due à l’assurance du prêt, généralement souscrite également auprès de la banque. La solution ? Changer d’assureur. Passer chez un acteur dit « en délégation » (hors de sa banque) peut permettre d’économiser parfois plusieurs milliers d’euros sur la durée totale du prêt.
La résiliation de son assurance emprunteur est possible depuis début 2018 pour tous les contrats, nouveaux comme anciens, grâce au fameux « amendement Bourquin », introduit par le sénateur éponyme. A condition, notamment, de s’y prendre au moins deux mois avant l’anniversaire du contrat.
« Des obstacles à l’application de la loi »
Mais en pratique, la démarche reste parfois complexe. « J’ai été alerté par des associations de consommateurs, des courtiers et des citoyens de difficultés à renégocier des contrats d’assurance emprunteur, il y a des obstacles à l’application de la loi », expliquait mercredi 3 avril le socialiste Martial Bourquin, vice-président de la commission des affaires économiques du Sénat, lors d’une conférence de presse.
Certaines banques traîneraient les pieds pour jouer le jeu de la concurrence et ne laisseraient pas leurs emprunteurs souscrire ailleurs, même quand ils sont « dans leur bon droit »… Selon le sénateur, qui se base sur les informations transmises par les courtiers, « environ 30 % des demandes de résiliation » ne recevraient tout simplement pas de réponse.
D’où sa décision de déposer le même jour une proposition de loi visant à faciliter le changement d’assurance emprunteur. Une loi pour faire appliquer la loi, en somme ! Le but est de « parfaire le dispositif », dit M. Bourquin.
Première proposition : acter dans la loi une date unique d’anniversaire des contrats, celle de la signature de l’offre de prêt. Comme la loi initiale n’est pas précise sur ce point, les candidats à la résiliation se sont heurtés à des difficultés dans leurs démarches, les réseaux bancaires appliquant des dates différentes (signature de l’assurance, effet de l’assurance, etc.). Pas de révolution toutefois jusqu’ici puisque les prêteurs s’étaient d’ores et déjà engagés à appliquer cette date unique au plus tard au deuxième semestre.
Braquer les projecteurs sur les récalcitrants
Si la proposition de loi était adoptée, cette date serait en outre à l’avenir communiquée directement à tous les emprunteurs une fois par an. Une nouveauté appréciable qui permettrait à la fois d’attirer l’attention des principaux concernés sur ce droit, mais aussi de leur éviter la démarche de chercher eux-mêmes leur date d’anniversaire. « Cette information pourrait avoir lieu en début d’année quand les banques envoient à leurs clients le récapitulatif de leurs encours », précise M. Bourquin.
En cas de manquement à cette obligation d’information, les banques s’exposeraient à une amende de 1 500 euros. Mais surtout l’emprunteur pourrait alors exercer son droit de résiliation à tout moment par lettre recommandée, sans avoir à respecter la contrainte de la date anniversaire, est-il précisé dans le document transmis par M. Bourquin.
Troisième disposition phare de la proposition de loi, la plus emblématique : montrer publiquement du doigt les banques qui ne respectent pas la loi « dans une logique de name and shame » (« nommer pour faire honte »), indique encore le document.
Concrètement, si l’établissement où vous avez contracté votre prêt est sanctionné parce qu’il ne respecte pas ses obligations légales, il serait non seulement soumis à une amende, mais en plus celle-ci pourrait être rendue publique. Selon l’équipe de M. Bourquin, cette pratique s’appliquerait pour la nouvelle amende de 1 500 euros qu’il entend créer pour défaut d’information sur la date anniversaire, ainsi que pour une autre amende de 3 000 euros déjà dans la loi. Cette dernière vise les prêteurs qui refusent la résiliation pour des prétextes fallacieux, qui ne prennent pas la peine de répondre aux demandes dans les délais, qui ne motivent pas leur refus, etc.
L’application des sanctions pose souci
Des propositions qui réjouissent, forcément, les acteurs de l’assurance en délégation. « Que l’information se développe serait un pas en avant », estime Astrid Cousin, porte-parole de Magnolia.fr. Ce courtier déplore en effet que le droit ne soit pas entré dans les mœurs. Pour les prêts immobiliers, l’assurance en délégation représentait fin 2017 15 % des cotisations d’assurance emprunteur. Les chiffres 2018 n’ont pas encore été communiqués.
« L’idée de faire connaître les noms des banques ne jouant pas le jeu est en outre intéressante », poursuit Astrid Cousin, « Pour les grands groupes, les amendes ne sont guère dissuasives, mais ils tiennent à leur réputation. Toutefois, il n’y a pas à ma connaissance eu pour l’instant d’amendes pour sanctionner les banques ne respectant pas les règles de résiliation imposées par la loi », poursuit-elle.
Rendre publiques des sanctions inexistantes ne semble pas d’un grand intérêt, à moins que ces sanctions ne se développent à l’avenir… Dans l’entourage de M. Bourquin, on explique que graver la date anniversaire dans la loi pourrait permettre aux associations de consommateurs de mener des actions de groupe, permettant ainsi de faire appliquer les sanctions. Un certain flou subsiste, mais la proposition de loi pourrait être précisée par amendements durant son examen parlementaire.
Le sénateur espère que sa proposition de loi sera adoptée avant fin 2019. Il indique avoir désormais le soutien, dans ce combat pour l’application du droit à résiliation, de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes. Sans précisions sur les actions qui pourraient être menées.
Une fiscalité alourdie en 2019
Depuis le 1er janvier, l’assurance emprunteur est soumise dans son intégralité à une taxe de 9 % appelée « TSCA » (taxe spéciale sur les conventions d’assurance), alors qu’auparavant la couverture décès de ces contrats (la principale garantie) en était exonérée. Résultat : les tarifs ont légèrement augmenté chez les assureurs en délégation, ceux-ci ayant a priori choisi de la répercuter, nous ont indiqué différents acteurs du secteur. Pas de quoi toutefois remettre en cause l’intérêt de la résiliation, la hausse de coût ne représentant généralement que quelques euros ou dizaines d’euros par an. Différents sites permettent de comparer les offres en quelques clics : faites vos calculs !