Au Bangladesh, une étudiante brûlée vive après avoir accusé le directeur de son école de harcèlement sexuel
Au Bangladesh, une étudiante brûlée vive après avoir accusé le directeur de son école de harcèlement sexuel
Le Monde.fr avec AFP
Nusrat Jahan Rafi avait porté plainte à la fin de mars contre le directeur de son école. Human Rights Watch dénonce le peu d’empressement des autorités à enquêter.
Le 12 avril 2019, des Bangladaises manifestaient à Dacca, après l’assassinat de Nusrat Jahan Rafi. / SAZZAD HOSSAIN / AFP
L’émotion est grande au Bangladesh après la mort, mercredi 10 avril, d’une jeune fille de 19 ans, quelques jours après avoir été brûlée vive sur ordre du directeur de son école. Elle l’avait accusé de harcèlement sexuel à la fin de mars, sans que sa plainte ne soit prise au sérieux par les autorités.
Depuis l’annonce de sa mort, nombre de Bangladais ont pris la parole sur les réseaux sociaux et ont manifesté dans la rue pour dénoncer les violences sexuelles subies par les femmes du pays. Pour ramener le calme, la première ministre, Sheikh Hasina, s’est engagée à ce que toutes les personnes impliquées dans cet assassinat soient traduites en justice.
La victime, Nusrat Jahan Rafi, avait été attirée sur le toit du séminaire islamique où elle étudiait par des camarades de classe. Ses agresseurs lui avaient alors demandé de retirer sa plainte. Devant son refus, ils l’ont attachée avec un foulard, aspergée de kérosène, puis lui ont mis le feu. « Le plan était de faire croire à un suicide. Mais il a échoué car l’écharpe a brûlé, libérant les pieds et les mains de Nusrat Jahan Rafi qui est parvenue à redescendre », a déclaré à l’Agence France-Presse Mohammad Iqbal, l’officier de police responsable de l’enquête.
« Je me battrai jusqu’à mon dernier souffle »
Mais ces étudiants n’ont pas agi de leur propre chef. Vendredi 19 avril, la police a précisé que l’une des 17 personnes arrêtées en lien avec ce meurtre avait accusé le directeur de l’école d’en être le commanditaire. Il « leur avait dit de faire pression sur Nusrat Jahan Rafi pour qu’elle retire sa plainte ou de la tuer en cas de refus de sa part ».
Souffrant de brûlures sur 80 % de son corps, elle est morte à l’hôpital le 10 avril. Mais elle a entre-temps enregistré une vidéo réitérant ses accusations contre son directeur. « Il m’a touchée », dit-elle sur la vidéo, identifiant aussi certains de ses camarades parmi les agresseurs. « Je me battrai contre ce crime jusqu’à mon dernier souffle. »
Face à la vague d’émotion suscitée par ce meurtre, la première ministre, Sheikh Hasina, a promis qu’aucun « coupable n’échapperait à l’action légale ». Des associations de défense des droits humains dénoncent cependant le peu d’empressement des autorités à enquêter sur les affaires de viol ou d’agression sexuelle. « Ce n’est pas grand-chose », a ainsi répondu le policier qui a pris la plainte, selon une vidéo qui vient d’être diffusée.
« Le meurtre horrible d’une femme courageuse qui demandait justice montre à quel point le gouvernement du Bangladesh manque à ses engagements vis-à-vis des victimes d’agressions sexuelles », a déclaré dans un communiqué Meenakshi Ganguly, directrice de Human Rights Watch pour l’Asie du Sud.