Les Gardiens de la révolution en première ligne
Les Gardiens de la révolution en première ligne
Par Louis Imbert
La principale force armée du pays pallie la désorganisation de l’Etat, peu efficace pour assister les régions touchées.
Une vue aérienne de terres immergées, dans la province du Khouzestan, le 5 avril. / TASNIM NEWS AGENCY / REUTERS
Leurs uniformes sont partout dans les zones sinistrées. Les gardiens de la révolution, la principale force armée iranienne, font office de premiers secours et, déjà, de reconstructeurs, face aux inondations auxquelles le pays est confronté depuis le 19 mars. Notamment dans la région pétrolière et pauvre du Khouzistan et, plus au nord, au Lorestan, parmi une population d’anciens nomades sédentarisés.
Ces militaires pallient en premier lieu la désorganisation de l’Etat, qui peine à faire face à une crise d’une telle ampleur. Le ministère de l’information a réagi avec efficacité, en dépêchant des drones pour disposer des antennes-relais afin de maintenir un accès à Internet dans des villages qui auraient été, sinon, coupés du monde. Mais les griefs s’accumulent contre une administration globalement accusée de n’avoir pas pris en compte assez tôt les alertes de l’agence météorologique nationale, de n’avoir pas su délester les barrages assez vite, et d’avoir mal planifié la réponse à cette crise majeure.
Face à ces manquements, des milliers de volontaires de tous bords politiques se sont rendus dans les régions inondées pour distribuer de la nourriture ou des vêtements, aider au déblaiement de la boue et fournir les premières aides médicales. Le cinéaste d’opposition Jafar Panahi collecte des dons pour le Croissant-Rouge, comme une partie de sa profession. C’est un élan de solidarité immense, débordant.
Aide des milices chiites
Les réseaux les mieux organisés, cependant, sont ceux liés aux gardiens, qui agrègent les organisations paramilitaires de quartier, les bassidji, certains réseaux de mosquées et de clercs, ainsi que les membres du « djihad de la construction » paysan, spécialisé dans l’entretien de petits barrages agricoles, et ceux du Comité d’aide imam Khomeyni et d’instances de soutien aux plus pauvres.
Autour d’eux, c’est tout le tissu social ultraconservateur iranien qui se mobilise, à l’heure où les sanctions américaines dressent le pays contre l’adversité, et où le président modéré, Hassan Rohani, tente de préserver ce qui lui reste d’autorité. La haute hiérarchie des gardiens, récemment désignés par Washington, dans leur ensemble, comme organisation terroriste, s’affiche sur le terrain. Le général Ghassem Soleimani, maître d’ouvrage de la politique iranienne au Proche-Orient, a pris ses quartiers pour un mois dans le Sud inondé.
Il coordonne l’aide apportée ostensiblement par des milices chiites, relais des gardiens en Irak voisin. Leur présence sur le sol iranien suscite la gêne : un parlementaire a exigé de savoir si le ministère de l’intérieur supervisait leurs agissements, ce qui est peu probable. En montrant ces alliés sous un jour favorable, les gardiens tâchent de relégitimer leur politique régionale, jugée coûteuse et responsable de l’isolement du pays par une partie de la population.