En Nouvelle-Aquitaine, « il faut concevoir des filières agricoles adaptées et conserver la ressource en eau »
En Nouvelle-Aquitaine, « il faut concevoir des filières agricoles adaptées et conserver la ressource en eau »
Propos recueillis par Audrey Garric
Le climatologue Hervé Le Treut, qui dirige le comité scientifique du projet AcclimaTerra, pointe la vulnérabilité de la région au changement climatique à l’horizon 2050.
Pompage de l'eau du gave de Pau, une rivière du Sud-Ouest, pour l’arrosage de cultures de maïs. / Régine Rosenthal/Biosphoto
La région Nouvelle-Aquitaine est la première à avoir conçu une stratégie d’adaptation au dérèglement climatique. Le climatologue Hervé Le Treut dirige le comité scientifique du projet AcclimaTerra, qui a mobilisé 240 scientifiques et experts pour publier, en juin 2018, le rapport « Anticiper les changements climatiques en Nouvelle-Aquitaine ».
Quels sont les risques liés au changement climatique en Nouvelle-Aquitaine ?
Le premier effet, c’est le réchauffement, qui ne va cesser d’augmenter. Le climat de la Nouvelle-Aquitaine s’est déjà réchauffé d’environ + 1,4 °C au cours de la période 1959-2016 par rapport à l’ère préindustrielle. En modifiant l’enneigement des Pyrénées, il réduit par exemple le débit d’été des rivières et affecte les cultures, en particulier le maïs.
Les villes (Bordeaux, Limoges, Poitiers, La Rochelle, Pau) seront soumises à des vagues de chaleur plus intenses, que peut accentuer l’« îlot de chaleur urbain » : les températures peuvent atteindre 5 °C à 10 °C de plus en centre-ville qu’en banlieue plus lointaine. L’élévation du niveau de la mer – jusqu’à 1 mètre à la fin du siècle – va affecter l’estuaire de la Gironde et le bassin d’Arcachon. Les zones côtières (720 km dans la région) subiront un risque de submersion fréquent. Surtout, l’érosion chronique sera accélérée. A l’horizon 2050, on estime à 65 mètres le recul moyen du trait de côte du littoral sableux Landes-Gironde.
Comment la région s’y adapte-t-elle ?
Dans certaines zones très basses ou ne disposant pas de protection par les dunes, il s’agira de reculer les infrastructures par rapport à la côte ou de construire des digues et des protections. Mais ce n’est pas possible partout, notamment en terrain sableux. Il faut par ailleurs concevoir des filières agricoles adaptées, conserver la ressource en eau et la biodiversité, ce qui permet de préserver un monde vivable.
La France, plus largement, est-elle suffisamment préparée ?
Non. Il y a un effort à faire dans ce sens. On a trop pensé qu’on pourrait empêcher le changement climatique, ou le maintenir à un niveau assez bas. Par ailleurs, il y a toujours eu une crainte que, en disant qu’il fallait s’adapter, les gens comprennent qu’on peut s’adapter à tout et ne fassent rien pour lutter contre le réchauffement. Aujourd’hui, l’hypothèse que le réchauffement dépassera 3 °C fait l’objet d’un niveau de probabilité important et une partie de la population se rend compte que le changement climatique n’est plus une menace lointaine, mais est déjà à l’œuvre.