« Gilets jaunes » : des policiers seront jugés pour des violences, assure le procureur de Paris
« Gilets jaunes » : des policiers seront jugés pour des violences, assure le procureur de Paris
Alors que l’exécutif semble nier l’existence même de brutalités policières, malgré des dizaines de vidéos documentant les dérapages, le procureur rappelle que 174 enquêtes sont ouvertes concernant les membres des forces de l’ordre.
Le magistrat récuse le terme de « violences policières », auquel il préfère celui de « violences illégitimes, car c’est bien la question de la proportionnalité qui est posée ». / ZAKARIA ABDELKAFI / AFP
Après six mois de mobilisation des « gilets jaunes », le procureur de la République de Paris, Rémy Heitz, dresse dans Le Parisien, jeudi 30 mai, un premier bilan de l’action du parquet qu’il dirige.
Depuis la première manifestation, le 17 novembre 2018, « 2 907 personnes ont été placées en garde à vue », précise-t-il, rappelant que parmi celles-ci, « 1 304 ont donné lieu à un classement sans suite, soit 44,8 % des dossiers ». Enfin, 1 357 personnes ont été déférées, dont 515 jugées en comparution immédiate. « Ce mouvement des “gilets jaunes” a considérablement mobilisé mon parquet. Certains week-ends, il a fallu réunir jusqu’à 25 magistrats pour faire face à l’afflux de gardes à vue. Plus de 40 audiences supplémentaires ont dû être créées », relève le procureur.
Par ailleurs, le procureur signale que « 30 dossiers ont été confiés à la police judiciaire. Il s’agit des cas les plus graves et complexes : les agressions de forces de l’ordre, les pillages d’enseignes de luxe ou le saccage de l’Arc de triomphe… ».
174 enquêtes ouvertes
Alors que l’exécutif semble nier l’existence même de brutalités policières, malgré des dizaines de vidéos documentant les dérapages, le procureur détaille aussi les procédures concernant les membres des forces de l’ordre.
« Je veux être très clair : il n’y a aucune volonté de ma part d’éluder ces violences ou de les minimiser. A ce jour, 174 enquêtes ont été ouvertes : 171 confiées à l’inspection générale de la police nationale (IGPN) et 3 à l’inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN). 57 dossiers ont été clôturés et remis à mon parquet, qui est en train de les analyser. Je peux d’ores et déjà vous dire que 8 d’entre elles ont justifié l’ouverture d’une information judiciaire, c’est-à-dire que la poursuite des investigations est désormais confiée à des juges d’instruction. »
Concernant la légitimité de l’IGPN à mener les enquêtes, le procureur n’a pas l’ombre d’un doute : « J’ai une totale confiance dans l’IGPN. Les enquêteurs de ce service sont réputés pour leur rigueur et leur impartialité. »
Comment fonctionne l’IGPN, la « police des polices » ?
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Interrogé sur la nature des enquêtes en cours, il explique : « Il s’agit notamment des dossiers où les préjudices sont les plus lourds, avec des infirmités permanentes, par exemple, qui datent pour la plupart des premières manifestations de novembre et décembre. Plusieurs dossiers ont trait à l’usage de lanceurs de balle de défense (LBD). » Le magistrat évoque notamment le cas de Jérôme Rodrigues ou les violences commises dans un restaurant Burger King le 1er décembre, lors de l’acte III du mouvement.
Le procureur précise qu’aucun policier ou gendarme n’a été mis en examen, mais qu’un policier a été placé en garde à vue « dans une affaire où un manifestant a été blessé et hospitalisé ». Il ajoute qu’il « y aura des classements sans suite et des renvois de policiers devant le tribunal correctionnel d’ici la fin de l’année ».
« Recours légitime à la force »
Rémy Heitz rappelle que « les forces de l’ordre peuvent avoir un recours légitime à la force, ce qui n’est pas le cas des manifestants venus pour commettre des violences ou des dégradations. La question est alors de savoir si policiers et gendarmes ont pu parfois faire un usage illégitime ou disproportionné de la force. Cela prend du temps ». Il ajoute encore que « la justice passera dans ces affaires, comme dans toutes les autres ».
Le magistrat récuse le terme de « violences policières » auquel il préfère celui de « violences illégitimes, car c’est bien la question de la proportionnalité qui est posée ».