Livres : les auteurs veulent être mieux rémunérés
Livres : les auteurs veulent être mieux rémunérés
Par Nicole Vulser
Alors que les écrivains reçoivent en moyenne moins de 8 % du prix public d’un ouvrage, ils veulent imposer un taux minimum de 10 %.
Dans une librairie à Brest, en 2017. / FRED TANNEAU / AFP
Dix pour cent : c’est le montant minimum de droits d’auteurs que réclamera le Conseil permanent des écrivains au cours du deuxième tome des Etats généraux du livre, prévu mardi 4 juin à la Maison de la poésie à Paris. Partant du constat que « celui qui crée l’œuvre et qui apporte la valeur intrinsèque du livre – c’est-à-dire l’auteur – est celui qui touche le moins » dans la répartition des recettes. Il n’obtient que 8 % du prix public d’un ouvrage. Moins donc que la fabrication (15 %), la diffusion-distribution (20 %), l’éditeur (21 %) ou le libraire (36 %), selon le rapport d’Hervé Gaymard sur la situation du livre remis au ministère de la culture en 2009.
Selon le dernier baromètre SCAM-SGDL (Société civile des auteurs multimédia et Société des gens de lettres) de 2018, ce taux moyen est tombé à 7,2 % pour les auteurs, alors que leurs charges fiscales et sociales ont augmenté. Les écrivains en ont assez. Et le font savoir. « Dans la majorité des cas, la rémunération adoptée est imposée à l’auteur, sans marge de discussion ou de négociation », assure le Conseil permanent des écrivains (CPE). Les auteurs revendiquent donc 10 % minimum de droits d’auteur sur le prix public hors taxe du livre imprimé, pour l’ensemble des auteurs d’un livre (texte et illustration), quel que soit le secteur éditorial ou l’importance économique de la maison d’édition.
« Il faut une médiation du ministère de la culture »
Aujourd’hui, entre la jeunesse, l’édition et la littérature générale, ces droits d’auteurs s’échelonnent entre 5 % et 12 % pour les romanciers très installés.
Selon Pascal Ory, président du CPE, un tel accord professionnel ne peut voir le jour qu’à condition que les éditeurs soient d’accord. Le Syndicat national de l’édition (SNE) a été prévenu de cette offensive, qui n’est pas nouvelle puisque les auteurs espagnols, italiens et français, épaulés par les allemands, avaient déjà signé un texte commun en ce sens à la Foire de Francfort en 2017.
« Il faut une médiation du ministère de la culture, sinon on n’y arrivera jamais », assure Marie Sellier, présidente de la SGDL. « Nous avons déjà essayé par le biais d’une négociation interprofessionnelle, mais les éditeurs estiment que ce n’est pas possible, faute d’être soupçonnés d’entente. » Pourtant, en Allemagne, cela existe et fonctionne. Un article dans la loi fédérale sur le droit d’auteur de 1965 a été modifié par l’introduction à un droit à une rémunération équitable pour les auteurs, qui renvoie à un accord professionnel destiné à en définir les barèmes. Mme Sellier précise que cet accord a été signé en 2015 entre le syndicat des auteurs et l’essentiel des maisons d’éditions – pour rémunérer les auteurs à 10 % du prix du livre vendu. Un exemple que les auteurs français aimeraient suivre.
Une surproduction des livres en France
Selon Marie Sellier, l’une des racines du mal tient à la surproduction des livres dans l’Hexagone. Il en sort chaque jour 200, entre nouveautés et rééditions. « Ce n’est pas en inondant le marché que les éditeurs vont réussir à sauver leur marge », assure-t-elle, en étant persuadée que cette offre pléthorique ne sert pas non plus la diversité.
Olivia Guillon, maître de conférences en économie à l’université Paris-XIII constate également « une fragilisation de la situation économique des auteurs sur une période longue, depuis des années, même des décennies ». A ses yeux, « la moyenne des revenus des auteurs baisse et ils sont de moins en moins nombreux à vivre de leur plume ».
Mme Guillon note que leur situation n’est pas liée qu’à ce critère de minimum de revenus mais aussi à d’autres facteurs comme « la fragilisation de la monétisation de la valeur avec le livre numérique ou la baisse du marché de l’édition ». Elle souligne aussi le fait que « le livre fait partie des secteurs dominés par l’aval : c’est la distribution qui en est le maître du jeu et dicte à l’amont, donc aux fournisseurs de contenus, des relations contractuelles qui ne sont pas à leur avantage ».