Au Liberia, des milliers de manifestants anti-Weah dans les rues de Monrovia
Au Liberia, des milliers de manifestants anti-Weah dans les rues de Monrovia
Le Monde.fr avec AFP
Des dizaines d’associations de la société civile soutenues par des partis de l’opposition avaient appelé depuis deux mois à protester ce vendredi.
Vendredi 7 juin 2019, dans les rues de Monrovia. / CARIELLE DOE / AFP
Des milliers de Libériens sont descendus ce vendredi 7 juin dans les rues de Monrovia pour obtenir de meilleures conditions de vie, premier test d’envergure pour George Weah, président d’un pays qui craint de voir ressurgir les violences du passé. Des dizaines d’associations de la société civile, y compris des pans de la jeunesse ayant porté l’ancien footballeur star au pouvoir en janvier 2018, réunies au sein d’un « conseil des patriotes » et soutenues par des partis de l’opposition, avaient appelé depuis deux mois à manifester ce 7 juin. Twitter et Facebook, très utilisés pour battre le rappel, étaient inaccessibles vendredi à Monrovia, selon des correspondants de l’AFP.
Alors que les rues de la capitale de ce pays d’Afrique de l’Ouest étaient inhabituellement désertes, les manifestants ont convergé vers Capitol Hill, siège des principales institutions du pays, où ils étaient plusieurs milliers à la mi-journée, selon un correspondant de l’AFP. Les organisateurs n’ont pas souhaité avancer d’estimations, mais une source policière a évoqué quelque 4 000 participants. La communauté internationale s’inquiète d’une possible résurgence des violences, alors que le pays reste hanté par une guerre civile qui a fait quelque 250 000 morts de 1989 à 2003.
Elu successeur de la présidente Ellen Johnson Sirleaf (2006-2018) sur un programme de résorption de la pauvreté et de lutte contre la corruption, l’ancienne star du PSG et du Milan AC a promis de garantir la sécurité et le droit de manifester. Mais George Weah a haussé le ton jeudi : « Les insultes et l’incitation à la violence ne seront plus jamais tolérées sous mon administration. »
Résorber la crise économique
Il a également défendu son bilan après un an et demi au pouvoir, invoquant le poids de l’héritage de l’administration précédente. « Nous ne méritons pas d’être punis pour avoir construit des routes pour des localités longtemps oubliées, avoir payé les frais d’examens de ceux qui ne peuvent se les permettre ou proclamer la gratuité dans les écoles publiques », a-t-il notamment affirmé.
Les manifestants réclament des mesures pour résorber la crise économique, un tribunal spécial pour juger les responsables de la guerre civile et le renforcement de la lutte contre la corruption. Pour des raisons de sécurité, ils devaient présenter leurs doléances à la vice-présidente Jewel Howard-Taylor, ex-épouse de l’ancien chef de guerre et président Charles Taylor (1997-2003), plutôt qu’au chef de l’Etat.
« Je reste à la maison pour m’assurer que mes enfants ne descendent pas dans la rue. J’ai de bonnes raisons d’avoir peur parce que, dans l’histoire de ce pays, les grandes crises commencent toujours par des manifestations et se terminent en graves violences », a confié un père de famille, Mustafa Kanneh. Pour le populaire animateur radio Henry Costa, fer de lance du mouvement, cette manifestation n’est qu’un début. « Nous ne quitterons les rues que lorsque nous aurons obtenu des résultats », a-t-il prévenu. Certains habitants ont pris leurs précautions. « Je suis venue me ravitailler pour sept jours, on ne sait pas combien de temps ça va durer », s’inquiétait Samantha Wongbay, une jeune mère de trois enfants.
« Sabotage économique »
« Le problème fondamental, c’est le cours du dollar américain », qui a doublé par rapport au dollar libérien en deux ans, selon le professeur d’économie Samuel Vaye. « Avant, je pouvais nourrir ma famille pendant un jour avec 500 dollars libériens [2,3 euros]. Maintenant, avec 1 000 dollars, je n’y arrive pas », se désole Angeline Flomo, une mère de famille de 35 ans.
Des opérations monétaires hasardeuses conduites par la Banque centrale du Liberia (CBL) sous les administrations Sirleaf puis Weah n’ont fait qu’aggraver la situation. Cinq anciens responsables de cette institution, dont un fils de Mme Sirleaf, ont été inculpés en mars de « sabotage économique ».
George Weah, qui s’est dit conscient des difficultés rencontrées par la population, a annoncé le 29 mai le prochain lancement d’un programme d’aide du Fonds monétaire international (FMI), synonyme de « sacrifices », mais censé stabiliser l’économie. Il s’est aussi engagé à changer la direction de la CBL, à intensifier la lutte contre la corruption, et à maintenir la priorité accordée à l’éducation, à la santé, aux infrastructures routières et à l’investissement. Trop peu ou trop tard pour ses adversaires.