Pour la Mauritanie, un premier match historique en Coupe d’Afrique des nations
Pour la Mauritanie, un premier match historique en Coupe d’Afrique des nations
Par Pierre Lepidi (Suez, Egypte, envoyé spécial)
Les Mourabitounes, qui disputent leur première compétition, affrontent lundi l’équipe du Mali. Notre reporter a suivi la préparation de cette rencontre.
L’équipe de Mauritanie à l’entraînement, le 17 juin 2019 à Marrakech. / FFRIM
Un coup de sifflet annonce la fin de l’entraînement. La nuit est déjà tombée sur l’Egypte lorsque, dans un coin du terrain, le staff de l’équipe de Mauritanie se regroupe. En file indienne, les joueurs défilent devant le sélectionneur Corentin Martins, ses adjoints, l’équipe médicale. Tous échangent une franche poignée de main. On se félicite avec quelques mots, une tape sur l’épaule, un sourire… Dimanche 23 juin en fin de soirée, l’équipe a fait ce rituel et vécu une nouvelle fois ce moment de cohésion. Mais il y avait dans les regards et les gestes une émotion particulière. C’était le dernier entraînement avant le match. Dans quelques heures, la Mauritanie va vivre un jour historique.
Lundi, les Mourabitounes, surnommés ainsi en référence aux guerriers almoravides du XIe siècle, vont faire leurs premiers dribbles en Coupe d’Afrique des nations (CAN). De Nouakchott à Nouadhibou en passant par les anciennes cités caravanières de Ouadane et Chinguetti, tous les yeux du pays seront tournés vers ce groupe de 23 hommes au maillot vert, dont onze fouleront la pelouse du stade de Suez au coup d’envoi. Face à eux, des adversaires techniques et puissants venus du Mali. Un pays frontalier, un pays ami.
Dans la fournaise qui les attend, les Mauritaniens se sont juré de donner le meilleur d’eux-mêmes. « C’est une grande fierté d’être dans cette équipe, confie le défenseur Sally Sarr dans le bus qui le ramène du terrain d’entraînement à l’hôtel. On va tout faire pour porter très haut les couleurs de notre pays. »
Bonne ambiance et sérénité
Il a fallu du temps pour en arriver là. Le pays a décroché son billet pour la CAN 2019 fin novembre. Après la fête qui a suivi, l’hiver et le printemps sont passés tout doucement. Le stage de préparation à la CAN a commencé début juin. C’était à Nouakchott, la capitale, avec des séances d’entraînement devant les supporteurs, la famille, les amis. L’équipe s’est ensuite envolée vers Marrakech pour intensifier sa préparation et disputer deux matchs amicaux qui se sont soldés par une victoire contre Madagascar (3-1) et une défaite sévère face au Bénin (3-1).
Mercredi 19 juin, la délégation a débarqué au Caire, avec une centaine de supporteurs, dans un avion de la compagnie nationale spécialement affrété pour l’occasion. Les portes du pays des pyramides s’ouvraient enfin. « C’est magique d’être ici, s’émerveillait l’attaquant Hemeya Tanjy, 21 ans. La Mauritanie est enfin à la CAN. » Dans le hall de l’aéroport aménagé pour accueillir les équipes, les joueurs ont multiplié les selfies avec les officiels et les hôtesses. Il fallait se pincer pour y croire.
Si de nombreux Maliens jouent dans de prestigieux clubs européens (Glasgow Rangers, FC Porto, Standard de Liège…), il n’y a aucune star chez les Mauritaniens. Les joueurs évoluent majoritairement en Turquie, en Tunisie ou en Grèce. En France, on les retrouve à Aurillac, Grenoble, Sedan, Auxerre… Selon tous les membres du staff, cette absence de vedette explique en partie la bonne ambiance et la sérénité qui règnent dans la sélection. « Ici, personne n’a de traitement de faveur, explique Yannick Guillodo, l’un des médecins de l’équipe. Il n’y a pas de comportement de diva. »
La plupart ont un statut semi-professionnel, loin des paillettes du foot business. « On s’entend bien et c’est vrai qu’il est rare de voir une telle ambiance dans un groupe, se félicite le capitaine Abdoul Ba, un géant de 2,03 m. Aujourd’hui, les footballeurs rechignent souvent à jouer pour leur équipe nationale. En équipe de Mauritanie, on est content de se retrouver, c’est un peu comme une famille. »
Une maxime de Confucius
En Egypte, les journées s’enchaînent au rythme des séances d’entraînement, des repas, des soins et des joggings organisés à l’aube par le staff. Il y a aussi les séances vidéo. Pendant une vingtaine de minutes, des montages effectués par Noureddine Bouachera, le sélectionneur adjoint, dévoilent les forces et les faiblesses des équipes adverses, mais aussi les combinaisons tactiques que les Mourabitounes doivent suivre sur les corners, les coups francs…
Quel est le programme d’une équipe quelques heures avant son premier match ? Dimanche, la journée s’est déroulée presque comme les autres, avec peut-être un peu plus de concentration. A 11 heures, le coach a prouvé, images à l’appui, qu’il fallait se méfier de cette équipe malienne « où chaque joueur peut se retrouver en mesure de marquer ». Corentin Martins a projeté sur le mur une phrase célèbre attribuée à Confucius : « Le tout est plus que la somme des parties. » La puissance d’un collectif dépasse celle de plusieurs individualités, a expliqué le coach dans un silence de cathédrale.
Après le déjeuner, l’équipe est partie, escortée par plusieurs véhicules de police, faire une reconnaissance du stade de Suez, situé à environ 80 km de l’hôtel. Les joueurs ont pris leurs marques dans le vestiaire, tâté du bout du pied la pelouse. A 17 h 30 a débuté le dernier entraînement, le soleil tombait sur la commune d’Ain Soukhna. « Les joueurs ont bien travaillé pendant ces trois semaines et ils sont prêts », affirme Philippe Guillodo.
Avant d’arriver lundi au stade, les Mourabitounes devront longer l’entrée du canal de Suez pendant plusieurs kilomètres. Au détour d’un virage surgira enfin l’enceinte. A quoi songeront-ils ? « Pendant l’hymne national, je vais imaginer ma famille et penser aux Mauritaniens du monde entier qui nous supportent », confie le défenseur Abdoulkader Thiam.
Il est écrit que ce 24 juin restera dans l’histoire de la Mauritanie. Mohamed Ould Ghazouani, candidat du pouvoir et ancien ministre de la défense, a obtenu 52 % des voix au premier tour de l’élection présidentielle, selon les résultats publiés par la commission électorale dans la nuit de dimanche à lundi. En football ou en politique, la journée est historique.