Sursollicitation, manque de moyens, violences : les pompiers annoncent un été de grève
Sursollicitation, manque de moyens, violences : les pompiers annoncent un été de grève
Par Henri Seckel
Le mouvement, prévu du 26 juin au 31 août, n’aura pas d’impact sur la prise en charge des personnes, assure le ministère de l’intérieur.
A l’initiative de sept syndicats qui ont envoyé leur préavis directement à Christophe Castaner, les sapeurs-pompiers doivent débuter, mercredi 26 juin, une grève prévue pour durer jusqu’au 31 août. Au ministère de l’intérieur, on se veut rassurant : « Le mouvement n’aura pas d’impact sur la prise en charge de nos concitoyens. » Tenus d’assurer un service minimum, les grévistes se contenteront d’inscriptions sur les casernes, les véhicules et les tee-shirts, ou de brassards lors des interventions.
Les signataires – qui représentent 85 % des 40 500 pompiers professionnels de France, et appellent les 195 000 pompiers volontaires à les soutenir – réclament notamment « le retrait du projet de loi de transformation de la fonction publique », « une revalorisation de la prime de feu à 28 % » – comme la prime de risque des gardiens de la paix – contre 19 % actuellement, et un « recrutement massif » pour combler les besoins. Les 12 500 pompiers de Paris et de Marseille, ayant le statut de militaires, ne sont pas concernés par le mouvement.
André Goretti, président de la Fédération autonome des sapeurs-pompiers professionnels (FA/SPP-PATS), premier syndicat du métier, explique :
« Il s’agit surtout d’exprimer le ras-le-bol général. On nous demande chaque année d’assurer de plus en plus de missions avec de moins en moins d’effectifs. Le service public de secours est malade. »
« De 2003 à 2018, rappelle Sébastien Delavoux (CGT), on est passé de 3,5 à 4,6 millions d’interventions par an », un chiffre en hausse de 7 % chaque année. Le « secours aux personnes » représente 84 % des interventions, contre à peine plus de 50 % au début des années 2000. « On nous appelle trop souvent pour des choses qui ne sont pas dans notre périmètre, déplore Sébastien Delavoux. Parce que si vous appelez le 18, il y aura toujours quelqu’un pour vous répondre. »
« En cas d’ivresse sur la voie publique par exemple, la police devrait verbaliser l’individu et le placer en dégrisement, expose André Goretti. Mais comme la police manque d’effectifs, on nous appelle pour emmener l’individu aux urgences. » Les syndicats dénoncent en chœur une « sursollicitation » due aux « carences de l’Etat », révélatrice des déserts médicaux, du vieillissement de la population, et d’une organisation défaillante entre le SAMU, qui dépend du ministère de la santé, et les pompiers.
Pas de « recrutement massif »
Place Beauvau, on assure « partager » ce constat : « Des groupes de travail réfléchissent aux moyens de faire baisser la pression au niveau de la prise en charge des personnes, comme le rapprochement entre les ARS [agences régionales de santé] et les SDIS [services départementaux d’incendie et de secours], ou la limitation du temps d’attente des pompiers aux urgences. »
Pas de « recrutement massif » au programme, cependant. « La solution consiste plutôt à ne faire sortir les pompiers que quand c’est nécessaire, estime Olivier Richefou, président de la Conférence nationale des SDIS, et représentant de l’Assemblée des départements de France – lesquels paient les salaires des pompiers. La mise en place d’un numéro unique et de plates-formes d’appels départementales communes aux acteurs de l’urgence – SAMU, pompiers, police et gendarmerie – permettrait de réduire le nombre d’interventions. »
L’augmentation de la prime de feu ne semble pas plus à l’ordre du jour, six mois après les augmentations consenties aux policiers et gendarmes lors du mouvement des « gilets jaunes », et quelques jours après le déblocage de 70 millions d’euros en faveur des urgentistes en grève. « Cela coûterait 130 millions d’euros, calcule Olivier Richefou, et les départements n’ont pas 130 millions d’euros pour cela. »
Les pompiers attirent par ailleurs l’attention sur les violences à leur encontre, qui connaissent une hausse inquiétante : en 2015, 1 939 déclaraient avoir été victimes d’une agression. Ils étaient 2 813 en 2017, selon l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales. Le ministère de l’intérieur a demandé, en mars, à tous les préfets « d’établir un diagnostic sur la sécurité des pompiers », et lancera en septembre « une campagne nationale de sensibilisation » sur le sujet.