Julian Alaphilippe, lundi 15 juillet entre Saint-Flour et Albi. / GONZALO FUENTES / REUTERS

Julian Alaphilippe a passé la première journée de repos du Tour de France en jaune, mardi 16 juillet à Albi. On se demande à présent s’il s’arrêtera à sept jours avec le maillot de leader du classement général sur les épaules, déposant les armes, jeudi, dans l’étape de Bagnères-de-Bigorre qui passe par le col de la Hourquette-d’Ancizan, ou s’il poussera le vice jusqu’au contre-la-montre, vendredi, voire au-delà du Tourmalet, samedi. En somme, s’il sera Charly Mottet (sept jours en 1987) ou Thomas Voeckler (dix en 2004 et 2011).

La logique voudrait que le Français de 27 ans s’efface gentiment dans l’une ou l’autre étape pyrénéenne et repasse en mode 2018 lorsque, conseillé par un expert, Richard Virenque, il avait chassé les étapes et les pois avec succès – deux victoires et le maillot de meilleur grimpeur à Paris. Mais il y a deux « mais ». Un : s’efface-t-on gentiment quand on porte le maillot jaune, le dossard de numéro un mondial et les espoirs d’un pays amoureux ? Deux : pour certains coureurs, la logique semble disparaître avec le port du fameux maillot.

En 2011, Thomas Voeckler explosa tous ses records de puissance en carrière à l’âge de 33 ans pour atteindre la quatrième place du classement à Paris. Lorsqu’il avait endossé la sainte tunique, à l’issue d’une échappée en moyenne montagne, personne, lui le premier, n’envisageait qu’il puisse franchir les Pyrénées avec son petit pécule (2 min 26 s). Il l’avait pourtant gardé jusqu’à la dernière étape de montagne.

L’Espagnol Oscar Pereiro, en 2006, s’était lui aussi sublimé – si l’on veut bien accepter que la sublimation ait quoi que ce soit à voir avec ce gain subit de puissance – pour finir en vainqueur inattendu sur les Champs-Elysées, après le déclassement pour dopage de l’Américain Floyd Landis. Est-on à l’abri d’un scénario similaire, bien que l’avance d’Alaphilippe soit inférieure (1 min 12 sur le Britannique Geraint Thomas) ?

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« Il faut garder les pieds sur terre »

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Si Thibaut Pinot le voit bien conserver son maillot jaune « jusqu’au pied des Alpes », à l’entame de la dernière semaine, l’intéressé, qui promet de ne pas l’abandonner sans combattre, se dit « très lucide sur ce qui va arriver, parce que le plus dur reste à venir ». « Il défendra le maillot jusqu’à en devenir malade, mais il faut garder les pieds sur terre », tempère également Tom Steels, son directeur sportif au sein de l’équipe belge Deceuninck-Quick Step.

« Je sais que je ne vais pas gagner le Tour de France, poursuit Alaphilippe. Mes ambitions pour le classement n’existaient pas avant d’arriver sur le Tour, elles ne sont pas tombées du ciel parce que j’ai le maillot jaune. Je pense avoir fait beaucoup plus d’efforts dans la première semaine que les leaders du classement général. Quand on le vise, il faut courir au millimètre et compter ses coups de pédale. Ce n’est pas du tout ce que j’ai fait jusqu’à maintenant. »

La première moitié du parcours, cette année, correspondait parfaitement à son profil de « puncheur », plus fort que la meute dans les étapes nerveuses de moyenne montagne. La haute montagne va le faire redescendre d’un cran, estime Xabier Artetxe, l’entraîneur basque de l’ancienne Team Sky : « Alaphilippe peut être très fort sur des efforts de six à douze minutes, voire vingt minutes comme à la Planche des Belles-Filles [arrivée de la 6e étape]. Il s’améliore dans les longs cols, il a fait des progrès. Mais entre ça et un effort de quarante minutes, à répéter deux ou trois fois dans la journée, c’est une autre histoire. Cela m’étonnerait qu’on le voie capable de rester avec les meilleurs grimpeurs. En revanche, je ne dis pas qu’il ne peut pas le faire plus tard, s’il se prépare en conséquence. »

Pour l’heure, Julian Alaphilippe s’apprête surtout à payer ses efforts de sa première partie de Tour : « En altitude, il n’y aura pas de surprise. » La concurrence n’a d’ailleurs pas l’air de s’affoler. Dave Brailsford, manageur de l’équipe Ineos, ne se méfie « pas encore » de lui : « Aujourd’hui, c’est le meilleur coureur de cette course, et de loin. Mais est-il pour autant une menace pour le général ? Peut-être. Nous inquiète-t-il ? Aujourd’hui, non. Si tu n’arrives pas préparé mentalement pour courir trois semaines pour le classement général, il est difficile de changer d’avis au milieu de la course. » « Il va falloir commencer cette semaine à prendre du temps sur lui, estime néanmoins le vainqueur sortant Geraint Thomas, plus que jamais en lice à sa succession. [Ce qu’il peut faire], c’est un peu une inconnue. Même lui ne le sait pas, je pense. »