Des membres du Parti des travailleurs lors du vote sur la destitution de Dilma Rousseff à la Chambre des députés, le 17 avril. | Eraldo Peres / AP

Avant même la fin du vote sur la destitution de Dilma Rousseff, José Guimaraes, le chef de file du Parti des travailleurs à la Chambre des députés (PT, gauche), dont est issu la présidente, avait reconnu une défaite, mais « provisoire ».

« Les putschistes ont gagné ici », mais cela « ne signifie pas que la guerre est perdue », a ainsi affirmé le parlementaire. « Nous allons maintenant dialoguer avec le Sénat pour qu’il corrige l’action des putschistes dirigée par des gens sans autorité morale », a-t-il déclaré à plusieurs journalistes.

Le vote, qui a entériné à 367 voix pour, 137 contre, 7 abstentions et deux absences, la poursuite de la procédure visant à lettre un terme au mandat de Mme Rousseff, a largement divisé le Brésil. Plus de 200 millions de personnes étaient ainsi suspendues au dénouement de la lutte de pouvoir qui paralyse le géant émergent d’Amérique latine.

Accusée de maquillage des comptes publics en 2014, année de sa réélection, et en 2015 pour masquer l’ampleur de la crise économique, l’intéressée nie avoir commis un crime dit « de responsabilité ». Elle dénonce une tentative de « coup d’Etat » institutionnel et a annoncé qu’elle « lutterait jusqu’à la dernière minute de la seconde mi-temps ».

« Honte de participer à cette farce »

Empoignades, insultes : la session extraordinaire de dimanche s’est déroulée dans un lourd climat d’affrontement dès son ouverture par le président du Congrès Eduardo Cunha. Ennemi juré de la présidente et inculpé pour corruption dans le scandale des détournements de fonds du géant pétrolier étatique Petrobras, il a reçu les huées des élus de gauche.

Lors du vote sur la destitution de Dilma Rousseff, à la Chambre des députés, le 17 avril. | UESLEI MARCELINO / REUTERS

Après de longues minutes de confusion où les députés ont failli en venir aux mains, le calme est à peu près revenu. Mais, tout au long du scrutin les invectives ont fusé. Les élus de gauche traitaient leurs collègues de « lâches » et de putschistes. Ceux de l’opposition de droite et du centre, ceints d’écharpes jaunes et vertes, parlaient « de nettoyer le pays d’un gouvernement corrompu et incompétent qui a conduit le Brésil à la ruine ».

Après les interventions des chefs des groupes parlementaires, chaque membre de la chambre basse a eu dix secondes pour annoncer son vote au micro. Le député Washington Reis, malade avait obtenu une permission de ses médecins pour s’absenter de son hôpital de Rio de Janeiro. C’est à lui qu’est revenu le privilège de monter le premier à la tribune pour exposer ses vues sur ce débat. « Qu’à partir de demain, Dieu puisse répandre de nombreuses bénédictions sur le Brésil et notre peuple brésilien. Je vote pour [la destitution] », a lancé le centriste.

Le député d’extrême gauche (PSOL) Jean Wyllys s’est montré particulièrement éloquent : « Je veux dire que j’ai honte de participer à la farce de cette élection indirecte, conduite par un voleur et ourdie par un traitre conspirateur », a-t-il lancé à l’adresse d’Eduardo Cunha et du vice-président Michel Temer, ancien allié de la président qui brigue à présent son fauteuil.

« Au nom des communautés homosexuelles, du peuple noir exterminé dans les quartiers périphériques, des sans-toit, des sans-terre, je vote non à ce Coup d’État, et vous pouvez aller dormir sur celle-là : Canailles ! »

Manifestations dans le pays

La procédure de destitution est désormais entre les mains du Sénat, où le vote est prévu au mois de mai. Il suffira d’une majorité simple de ses membres pour que Mme Rousseff soit mise en accusation pour « crime de responsabilité » et écartée du pouvoir pendant au maximum six mois dans l’attente d’un jugement final. Michel Temer, 75 ans, la remplacerait dans l’intervalle et formerait un gouvernement de transition.

Dans la capitale Brasilia, environ 53 000 manifestants en vert et jaune favorables à la destitution et 26 000 sympathisants de gauche habillés en rouge ont suivi les débats de dimanche sur des écrans géants devant l’assemblée, de part et d’autre d’une grande barrière métallique.

Divisé, le Brésil est suspendu au vote sur la destitution de sa présidente

Depuis sa réélection serrée en 2014, Dilma Rousseff voit sa popularité s’effondrer. Elle a atteint en 2015 un plancher historique de 10 % − avec un rebond à 13 % en avril. Plus de 60 % des Brésiliens souhaitent son départ.

Des manifestations ont rassemblé au total des dizaines de milliers de membres des deux camps tout au long de la journée à Brasilia, Sao Paulo ou Rio de Janeiro et dans d’autres villes du pays. L’affluence était bien moindre qu’annoncé, et en début de soirée, avant la décision finale des députés, aucun incident violent n’avait été déploré.