Nando De Colo avait brillé à Belgrade lors du match de la qualification pour le Final Four, avec 28 points marqués. | ANDREJ ISAKOVIC / AFP

Nando De Colo n’a pas bondi dans tous les sens ni même souri largement, car ce n’est pas son genre, mais c’est un moment inédit pour un basketteur français qu’il a vécu jeudi 12 mai, à Berlin : recevoir le trophée de meilleur joueur de l’Euroligue, la compétition phare du basket européen de clubs.

Jamais jusqu’à présent un basketteur tricolore n’avait autant brillé en Euroligue, hormis peut-être Antoine Rigaudeau, renommé « Roi » à Bologne, lorsqu’il remportait la compétition en 1998 au sein d’une équipe luxueuse (Radoslav Nesterovic, Pedrag Danilovic, Ettore Messina sur le banc...), mais le trophée de MVP n’existait pas encore.

Le sacre de Nando De Colo était relativement attendu, l’Arrageois ayant été la première arme offensive de l’équipe la plus impressionnante de la compétition, le CSKA Moscou. Vendredi 13 mai, il s’est hissé en finale au détriment d’un autre club russe, le Lokomotiv Kuban Krasnodar et devra se défaire du Fenerbahce Istanbul pour briguer le titre.

2015-16 Euroleague MVP: Nando De Colo, CSKA Moscow
Durée : 01:46

« C’est le tsar de Russie ! Il est magnifique », s’enflammait le sélectionneur français Vincent Collet il y a un mois dans les colonnes du Monde. « C’est une compétition dans laquelle les Français n’ont pas souvent brillé. Ça confirme ce qu’il a montré à l’Euro l’année dernière : si on avait gagné, il aurait peut -être été élu meilleur joueur. »

La France avait perdu en demi-finales contre l’Espagne, et l’Europe du basket devrait attendre un an de plus pour honorer le talent de cet arrière élancé mais discret, élégant mais sans coquetterie.

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Nando De Colo, 28 ans, est un produit rare dans le basket hexagonal, dont la formation a fait émerger ces dernières années beaucoup de joueurs physiques, énergiques, au talent adapté au joueur NBA. De Colo, lui, s’épanouit dans le jeu plus tactique de l’Euroligue, après un passage raté en NBA, aux San Antonio Spurs et Toronto Raptors, deux équipes qui ne lui ont jamais laissé le temps de s’installer.

Cette année, il a pris seul les commandes du jeu offensif du CSKA Moscou, jusqu’alors réservées au fort tempérament serbe Milos Teodosic, avec qui le taiseux De Colo s’entend parfaitement.

Son sens de la passe et de l’interception, allié à son adresse extérieure (46,2% à trois points) et sa faculté de pénétration (il est le deuxième joueur de la compétition au nombre de fautes provoquées) en font un joueur complet, bien qu’il ait encore une marge de progression en défense et lorsqu’il se heurte à un vis-à-vis agressif.

Avec 18,9 points de moyenne, De Colo a aussi été récompensé du trophée du meilleur marqueur, avec la meilleure moyenne depuis l’Américain Marc Salyers en 2008. A la grande différence que l’Américain était alors la seule arme offensive de son équipe, Roanne, tandis que De Colo partage la marque avec d’autres joueurs de niveau international. De Colo est d’ailleurs le troisième joueur seulement dans l’histoire de ce trophée, créé en 2004, à participer au Final Four.

2015-16 Turkish Airlines Euroleague Alphonso Ford Top Scorer: Nando De Colo, CSKA Moscow
Durée : 01:19

« Il est le régulateur »

« J’ai beaucoup de responsabilités, comme l’an dernier, avec de plus en plus de confiance de mes partenaires et du staff », observe-t-il dans La Voix du Nord. « Cette année, ce qui m’a beaucoup plu, c’est d’avoir eu de la constance, même en VTB League (le championnat de Russie, dont le CSKA est qualifié pour les demi-finales, ndlr) où parfois, les matchs sont beaucoup plus faciles. C’est ce que je cherche. Ce sont deux années où je me suis fait vraiment plaisir sur le terrain. »

« Mentalement, il n’a toujours pas une emprise évidente sur son équipe, mais il l’a dans le jeu », observe Vincent Collet. « On sent qu’il est le régulateur à Moscou, plus que Teodosic., Même si leur association marche très bien, c’est désormais lui qui est décisionnaire numéro un. Il a pris beaucoup de place, comme en équipe de France. »

L’entraîneur se frotte les mains : en l’absence de Nicolas Batum et Evan Fournier et avec une raquette dépeuplée, l’efficacité de la traction arrière De Colo-Parker sera décisive dans la quête de qualification pour les Jeux olympiques.

Il prolongera sans doute à Moscou

Car le joueur du CSKA, où il perçoit un salaire estimé à 1,5 million d’euros par saison, a confirmé sa présence au tournoi de qualification olympique. La chose aurait pu être différente s’il avait souhaité retourner aux Etats-Unis, mais ce n’est pas la direction que prend sa carrière. Son option pour une année supplémentaire au CSKA Moscou sera sans doute validée dans l’été.

« Je me plais vraiment bien en Europe, avec le CSKA. Concernant la NBA, je n’ai pas changé de point de vue. Je n’ai pas fait une croix dessus mais je n’y retournerai pas juste pour la NBA », a-t-il dit à La Voix du Nord.

D’ici là, De Colo a un trophée d’Euroligue à remporter. Le plus gros budget de la compétition a survolé la saison régulière, marquant les esprits par sa force offensive (90,7 points par match), permise par un jeu de passes fluide (19,7 passes) et une forte tendance à shooter à trois points, très effifcacement d’ailleurs (42,3%).

Le CSKA, sous les ordres de l’entraîneur grec Dimitrios Itoudis – pourtant connu pour être un spécialiste de la défense –, est un habitué des... défaites au Final Four. S’il n’a raté qu’un seul des 14 derniers, le club rouge n’a pas levé le trophée depuis 2008.

Un nouvel échec serait probablement mal vécu dans l’ancien club de l’Armée rouge. « Quand tu passes à côté, il y a ce goût amer qui reste quoi que tu ais fait individuellement », a reconnu De Colo jeudi.