Jean-François Ouellet : « Dans ce monde en rapide évolution, il faut de nouveau miser sur la relation humaine »
Jean-François Ouellet : « Dans ce monde en rapide évolution, il faut de nouveau miser sur la relation humaine »
Par Martine Jacot
Jean-François Ouellet, professeur de marketing à HEC Montréal est aussi créateur d’entreprises en série. Son conseil aux futurs ingénieurs-manageurs : face à un consommateur devenu défiant, il faut de nouveau miser sur la relation humaine. Entretien.
Imagine-t-on, en France, qu’un lycéen puisse créer sa PME à 17 ans ? Jean-François Ouellet l’a fait, à Québec : il a vendu des trousses et autres accessoires scolaires, d’abord à ses camarades, puis partout au Canada.
L’aventure, plusieurs fois primée, a duré cinq ans. Etudiant en génie informatique – il a commencé à programmer à 6 ans –, Jean-François Ouellet a cédé sa première PME pour passer ses diplômes universitaires. Le virus des affaires l’a vite repris : parallèlement à ses cours, il est devenu actionnaire et directeur du marketing d’une société pionnière dans le traitement des signaux numériques. Changement d’échelle : ses clients étaient aux Etats-Unis, au Japon ou en Europe. Une fois son entreprise cotée en Bourse, il l’a quittée pour passer un MBA.
Tel est le parcours de Jean-François Ouellet : étudier – il a aussi obtenu un doctorat en sciences de gestion à l’université de Grenoble-II, puis un postdoctorat en management de l’innovation au MIT de Boston – et créer des entreprises (six à son actif).
A 40 ans, s’est-il assagi depuis qu’il est professeur de marketing à HEC Montréal ? Pas vraiment. Il anime à la télévision une émission intitulée « Génération INC », écrit des livres – Le Bonheur comme plan d’affaires (Les Editions Transcontinental) étant le dernier –, donne des conférences. Et monte une nouvelle entreprise dans les objets connectés…
Qui vous a donné l’envie d’entreprendre si jeune ?
Le premier est mon père. Quand, à 16 ans, j’ai voulu vendre des trousses à crayons, il m’a encouragé – « Allez, lance-toi, essaie ! » – et il m’a coaché. Le deuxième est un banquier qui m’a fait voir les affaires comme une série d’expérimentations que l’on teste. Le troisième est l’un de mes professeurs en MBA à l’université Laval de Québec – un Français, d’ailleurs –, qui m’a dit : « Le Québec est une rampe de lancement. Il faut désormais avoir pour cible le monde entier, et le considérer comme un terrain de jeu. »
Vous dites qu’au moins un de vos étudiants sur deux crée son entreprise une fois diplômé. Que leur apprenez-vous ?
Principalement qu’Internet a bouleversé nos façons de consommer et qu’ils doivent composer avec cette nouvelle donne. Entre le fournisseur et le consommateur, entre le banquier et son client, la distance s’est considérablement accrue. Interconnecté, informé, le consommateur a davantage de pouvoirs sur le vendeur. Il est défiant et, s’il est mécontent ou frustré, il le fera savoir, sur les réseaux sociaux notamment. Enfin, il est devenu infidèle. Autrefois, on se fournissait chez le même revendeur quasiment toute sa vie. Aujourd’hui, le vendeur est en situation d’hyperconcurrence.
Comment faire des affaires dans ce contexte instable ?
D’abord trouver un besoin à satisfaire et réaliser son métier de façon irréprochable, qu’il s’agisse d’entretien ménager ou de conseils en stratégie. Ensuite, soit il faut être le plus efficace commercialement au meilleur prix, soit il faut de nouveau miser sur la relation humaine, seul facteur susceptible de fidéliser le client, tout en veillant à sa satisfaction, voire son émerveillement.
Dans un proche avenir, quelles grandes innovations voyez-vous en matière commerciale ?
L’être humain a de plus en plus horreur d’attendre. La livraison par drones a, je crois, de beaux jours devant elle. Les objets connectés et le monitoring qu’ils permettent aussi. D’autres révolutions sont en cours comme la production locale par impression 3D, les changements dans la mobilité urbaine, la préférence pour la location plutôt que l’achat – les jeunes générations actuelles sont les premières, depuis la seconde guerre mondiale, à ne plus rêver de s’acheter une voiture.
Quels conseils donneriez-vous à un jeune qui doit choisir son orientation ?
J’ai du mal à répondre à cette question parce que, dans dix ou vingt ans, se produiront d’autres révolutions dans presque tous les secteurs. La robotisation et l’intelligence artificielle ont déjà pris une place considérable. La meilleure recommandation, c’est d’écouter ses envies, et de devenir le meilleur au monde dans quelque chose qui nous passionne. Il faut trouver sa passion ! Par exemple, en allant voyager, explorer, découvrir ce qui nous fait vibrer. Et en faire sa carrière.
Propos recueillis par Martine Jacot
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