Affaire Fillon : le déontologue de l’Assemblée nationale répond aux députés écologistes
Affaire Fillon : le déontologue de l’Assemblée nationale répond aux députés écologistes
Par Anne Michel
« Le Monde » a eu copie d’une lettre adressée par le déontologue de l’Assemblée aux députés écologistes, qui le questionnaient sur un éventuel conflit d’intérêts entre l’activité de consultant de François Fillon et son mandat de député.
François Fillon, en campagne à Tourcoing, vendredi 17 février. | PASCAL ROSSIGNOL / REUTERS
L’activité de consultant de François Fillon est « conforme » au code électoral et la question d’un éventuel conflit d’intérêts, notamment soulevée par ses prestations de conseil auprès de l’assureur Axa, « ne se pose donc pas » sur le plan juridique. Telle est la réponse qu’a adressée le déontologue de l’Assemblée nationale aux députés écologistes, dans une lettre datée du 10 février, dont Le Monde a eu copie.
Encouragés par le candidat écologiste à l’élection présidentielle Yannick Jadot, douze députés de gauche, pour la plupart écologistes, telles Cécile Duflot ou Eva Sas, avaient saisi Ferdinand Mélin-Soucramanien, le 9 février, afin de vérifier si les activités de conseil exercées par François Fillon au sein de sa société 2F Conseil de 2012 à 2016, en même temps que son mandat de député de Paris, ne pouvaient le placer « en situation de conflit d’intérêts » ou constituer « un manquement manifeste à la déontologie ».
Ces parlementaires avaient réclamé la « transparence totale » sur les activités de l’ancien premier ministre, dont les liens avec l’ex-PDG de l’assureur Axa, Henri de Castries, ami personnel et soutien de sa candidature à l’élection présidentielle, soupçonné d’être à l’origine de son projet libéral sur la santé, favorable aux assureurs privés, avaient été mis en lumière.
Une activité « dûment déclarée »
Dans sa lettre, le déontologue de l’Assemblée constate que la loi qui régit les élections « permet de telles activités dès lors qu’elles ont été entreprises avant le début du mandat ». Il ajoute que l’activité de François Fillon a été « dûment déclarée auprès de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique » (HATVP), conformément à la loi de 2013.
Se plaçant ensuite sur le terrain déontologique, Ferdinand Mélin-Soucramanien se dit tenu à la confidentialité de ses échanges éventuels avec les députés, comme de ses avis et de ses analyses, en vertu du code de déontologie. Et ce, en soulignant, au passage, très explicitement, les « limites » de sa fonction : « Je ne dispose, hormis les vertus que l’on peut prêter à un dialogue en face à face, d’aucun pouvoir d’investigation ou d’injonction », écrit ainsi le déontologue.
Il observe toutefois, s’agissant des liens d’affaires de l’ex-premier ministre avec Axa, que François Fillon « n’a pris aucune position » sur la loi du 30 décembre 2014 – qui a transposé en droit français une directive relative aux activités d’assurances – pas plus qu’il n’a « signé d’amendement » ou est « intervenu (…) sur ces questions ». « Si tel avait été le cas, j’aurais pu être conduit, ainsi que je l’ai fait pour d’autres députés, (…) à l’inviter à la plus grande transparence possible et notamment à procéder à des déclarations orales d’intérêts en séance publique ou en commission », précise le déontologue.
M. Fillon n’avait pas réellement démarré son activité de conseil
Devant une telle fin de non-recevoir, les élus écologistes à l’origine de la saisine devaient se réunir, mardi 21 février, pour décider d’une éventuelle suite à donner à leur démarche. « Nous allons en discuter, confirme Eva Sas, députée de l’Essonne. La création du déontologue, en 2011, a marqué un réel progrès. Mais sa réponse dans l’affaire Fillon montre les limites de ses pouvoirs. Elle souligne aussi la définition trop restrictive qu’on a du conflit d’intérêts, dans le cadre des activités parlementaires. »
Si les points d’appui légaux à la main des députés écologistes semblent minces, Eva Sas évoque cependant la possibilité de contester le fait que François Fillon disposait certes d’une société de conseil avant le début de son mandat de député – créée dans l’urgence en juin 2012, seulement treize jours avant qu’il ne devienne député de Paris et ne puisse donc démarrer une activité de conseil – mais qu’il n’avait alors pas encore réellement démarré cette activité…
L’article L.O. 146-1 du code électoral stipule qu’« il est interdit à tout député de commencer à exercer une fonction de conseil qui n’était pas la sienne avant le début de son mandat ».