La gazette de la Croisette #11 : Ruben Ostlund palmé, sacrifice des enfants et table d’opération
La gazette de la Croisette #11 : Ruben Ostlund palmé, sacrifice des enfants et table d’opération
Le jury présidé par Pedro Almodovar a récompensé le Suédois pour « The Square » au terme d’une 70e édition dominée par les thèmes de la filiation et de la chirurgie.
- LE PALMARÈS CANNOIS :
La Palme d’or a été décernée, dimanche 28 mai, lors de la cérémonie de clôture du 70e Festival de Cannes présentée par l’actrice Monica Bellucci, au réalisateur suédois Ruben Ostlund pour son film The Square. Thomas Sotinel commence son analyse consacrée à ce palmarès en ces termes :
« Un conservateur de musée qui collectionne les erreurs, un chirurgien qui doit donner la mort, un bon samaritain exterminateur, une victime vengeresse du terrorisme, des parents qui ne veillent pas sur leur enfant : les figures centrales des films récompensés dimanche 28 mai à Cannes par le jury que présidait le réalisateur espagnol Pedro Almodovar sont celles d’un monde plongé dans le chaos. Et pourtant, ce palmarès a récompensé presque uniquement des œuvres régies par une mise en scène tirée au cordeau, pensées par des réalisateurs ou réalisatrices –, car le Festival de Cannes a fait cette année quelques pas de plus vers la parité – qui semblent d’abord mus par le désir de donner une forme à ce qui les entoure. »
- DU CÔTÉ DES CRITIQUES :
L’heure est plutôt aux analyses des mutliples films projetés durant les douze jours du Festival. Ainsi Jacques Mandelbaum voit-il dans la rupture du contrat entre les générations l’un des thèmes centraux de cette 70e édition, toutes sections confondues, estimant : « Un nombre incalculable, déraisonnable sans doute, de films ont mis à mal des personnages d’enfant, se sont acharnés sur eux avec plus ou moins de miséricorde. Disséminé dans toutes les sections, le phénomène fut massif en sélection officielle. »
Laurent Carpentier, quant à lui, s’intéresse dans son analyse à « l’imagerie concrète, médicale, scientifique qui s’est répandue dans les fictions de cinéastes du monde entier. L’humain réduit à son expression la plus brute – sa version clinique. Tripes et boyaux. »
Par ailleurs, retour sur l’un des derniers films projetés à Cannes, samedi 27 mai, D’après une histoire vraie, de Roman Polanski adapté du roman de Delphine de Vigan, présenté hors compétition. Pour Thomas Sotinel, ce film « a beau assumer son statut de réflexion ludique sur la vérité et la fiction, on sent que le cinéaste y a trouvé des échos aux thèmes les plus profonds qui traversent son œuvre. Ici aussi, l’imagination sert à penser l’horreur de la réalité ; ici aussi, cette réalité est d’autant plus cruelle qu’elle est incertaine. »
Le réalisateur Roman Polanski entouré par les actrices Eva Green (à gauche) et Emmanuelle Seigner lors de la montée des marches pour le film « D’après une histoire vraie » au 70e Festival de Cannes, le 27 mai 2017. | LOIC VENANCE/AFP
- DU CÔTÉ DES REPORTERS :
Thomas Sotinel a rencontré Roman Polanski, lauréat de la Palme d’or en 2002 pour Le Pianiste. Il revient sur les circonstances de cette rencontre :
« Sur la terrasse d’un hôtel de la Croisette, on a installé l’une de ces machines à relations publiques où réalisateur et actrices – en l’occurrence Eva Green et Emmanuelle Seigner – enchaînent les interviews et les séances photographiques. On croise aussi Olivier Assayas, coauteur du scénario avec Polanski, venu dire bonjour. Roman Polanski est détendu, pas très loquace. On n’en veut pas vraiment à un cinéaste de 83 ans de réserver son énergie à la réalisation de ses films plutôt qu’à leur exégèse. Il répète ce qu’il a expliqué dans le dossier de presse, puis à la conférence de presse du matin : sa femme, Emmanuelle Seigner, lui a fait lire le livre de Delphine de Vigan ; il y a trouvé des thèmes “qui m’ont rappelé des choses que j’ai faites à mes débuts”. »
Pour sa part, Jacques Mandelbaum dresse le portrait du producteur Nicolas Anthomé, fondateur de la société de production Bathysphere, qui est venu sur la Croisette avec quatre films :
« Wallay, de Berni Goldblat, à Cannes Ecrans Juniors (comédie enfantine entre la France et le Burkina Faso) ; Le Ciel étoilé au-dessus de ma tête, d’Ilan Klipper, à l’ACID (comédie névropathique ashkénaze) ; Makala, d’Emmanuel Gras, Grand Prix de la semaine de la critique (road-movie documentaire et prolétarien au Congo) ; Alive in France, d’Abel Ferrara, à la Quinzaine des réalisateurs (journal d’une tournée musicale entre potes). Le voyage, physique et mental, semble être le trait d’union entre ces films. Le voyage, comme expérimentation, recherche de nouvelles voies, découverte de choses jamais faites ni jamais vues, est ce qui anime Nicolas Anthomé comme producteur. »
- DU CÔTÉ DE LA PHOTO :
Le cinéaste Roman Polanski à Cannes, le 27 mai 2017. | STEPHAN VANFLETEREN POUR « LE MONDE »
- DU CÔTÉ DE LA VIDÉO :
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