Le chargé de l’éthique gouvernementale à Washington démissionne
Le chargé de l’éthique gouvernementale à Washington démissionne
Par Corine Lesnes (San Francisco, correspondante)
Walter Shaub voulait davantage de distance entre Trump le président et Trump le magnat.
Walter Shaub à Washington, le 23 janvier. | J. Scott Applewhite / AP
Le directeur du Bureau américain pour l’éthique gouvernementale, Walter Shaub, a démissionné de ses fonctions, jeudi 6 juillet, mettant fin à ce que le New Yorker a qualifié de bataille aussi « courageuse » que « donquichottesque » pour amener Donald Trump à éviter les conflits d’intérêts entre la présidence et la Trump Organization.
Dans sa lettre de démission, le responsable, qui avait été nommé pour cinq ans par Barack Obama en 2013, a rappelé que « le service public repose sur la confiance du public », ce qui suppose de placer la loyauté à l’égard de la Constitution « au-dessus du gain privé ».
Sur Twitter, il a ajouté qu’en travaillant avec l’administration Trump il lui était « apparu clairement » que les Etats-Unis devaient renforcer leur législation sur les conflits d’intérêts. Créé en 1978 après le scandale du Watergate, le Bureau se borne à émettre des recommandations.
En janvier, M. Shaub avait regretté l’insuffisance des garde-fous annoncés par M. Trump pour dissiper tout conflit d’intérêts avec la Trump Organization, le groupe familial qui opère à travers une vingtaine de pays dans l’immobilier, l’hôtellerie, les golfs et la téléréalité. M. Trump avait accepté de déléguer le contrôle de l’entreprise à ses fils Eric et Donald Jr. Mais il avait refusé de céder ses parts, contrairement à la pratique qui veut que les responsables politiques confient leurs affaires à un blind trust – fiducie sans droit de regard – lorsqu’ils accèdent à la fonction publique.
Repaire politico-diplomatique
M. Trump a toujours balayé les critiques. « La loi est totalement de mon côté », assurait-il fin novembre 2016 au New York Times, une affirmation confirmée par les juristes. La présidence comme la vice-présidence ne sont pas désignées dans la loi sur les conflits d’intérêts. Mais la Constitution, dans la « clause des émoluments », interdit les cadeaux et paiements de source étrangère. Dès le 22 janvier, un groupe d’éminents constitutionnalistes a porté plainte devant la justice fédérale à New York au nom de cette disposition. Ils sont confrontés à une difficulté : en 240 ans d’histoire, la justice n’a jamais défini les « émoluments ».
M. Trump a une affection particulière pour ses golfs et propriétés, où il reçoit des dignitaires étrangers. Selon une enquête détaillée du Washington Post, il a passé 49 journées dans l’un des établissements de la marque Trump sur 166 jours en fonctions. Inauguré fin octobre 2016, l’hôtel Trump International de Washington est devenu un repaire politico-diplomatique couru, au point que les procureurs généraux du Maryland et de la capitale fédérale se sont plaints devant la justice pour concurrence déloyale.
M. Shaub, qui va rejoindre l’ONG Campaign Legal Center, n’a pas expressément accusé la famille Trump de s’enrichir. « Mais l’apparence est que les affaires profitent du fait qu’il occupe la présidence, a-t-il souligné sur CBS. Et l’apparence a autant d’importance que la réalité. »