Neuf millions de personnes déplacées de force dans leur propre pays depuis le début de l’année
Neuf millions de personnes déplacées de force dans leur propre pays depuis le début de l’année
Par Pierre Le Hir
La moitié des migrations internes contraintes est imputable à des événements climatiques extrêmes, l’autre aux conflits.
A Morigaon (Assam), le 15 août. Comme le Népal et le Bangladesh, l’Inde a été touchée par d’importantes inondations. / ANUPAM NATH/AP
Guerres, conflits, violences et catastrophes naturelles ont poussé 9,1 millions de personnes sur les routes de l’exode au cours de la première moitié de l’année 2017, selon le dernier bilan dressé par l’Observatoire des situations de déplacement interne (Internal Displacement Monitoring Center, IDMC) publié le 16 août. Cet organisme, fondé en 1998 par le Conseil norvégien pour les réfugiés, s’attache au suivi des « déplacés internes », c’est-à-dire des personnes contraintes de fuir à l’intérieur des frontières de leur propre pays. Ces dernières ne bénéficient à ce jour d’aucun statut juridique particulier leur assurant une protection internationale, à la différence des réfugiés demandant l’asile dans un autre pays.
De début janvier à fin juin, ces cohortes se sont réparties en deux moitiés d’importance quasiment égale : l’une liée à des conflits dans vingt-neuf pays (4,6 millions de déplacés), l’autre à des événements naturels extrêmes dans soixante-seize pays (4,5 millions).
L’Afrique subsaharienne est surreprésentée dans le premier contingent, dont elle forme à elle seule 46 %. Le pays le plus affecté est la République démocratique du Congo, qui a vu 997 000 nouveaux déplacés en six mois, soit davantage que sur l’ensemble de l’année 2016. Au total, près de quatre millions de personnes y ont connu les affres du déracinement ces dernières années. Le Moyen-Orient est lui aussi fortement touché, que ce soit en Irak (922 000 déplacés) ou en Syrie (692 000). Fin 2016, plus de 40 millions de personnes dans le monde vivaient en exil forcé dans leur propre pays en raison de conflits.
L’Afrique et l’Asie sont les plus affectées. En orange, les déplacements liés à des conflits. En bleu, ceux provoqués par des catastrophes naturelles. / IDMC
La répartition géographique est très différente pour les déplacements imputables à des désastres naturels. L’Asie est dans ce domaine la plus meurtrie, du fait notamment de deux sinistres : les inondations et les glissements de terrain qui ont frappé les provinces du Sud de la Chine à la fin de mois de juin (858 000 déplacés) et le cyclone tropical Mora qui, en mai et juin, a balayé le Bangladesh, la Birmanie et l’Inde (851 000 personnes).
Comparé à 2016, le bilan du premier semestre 2017 est particulièrement élevé pour les populations contraintes de quitter leur demeure pour cause de conflit, puisque leur nombre représente déjà les deux tiers du total de l’année passée (6,9 millions). Il est en revanche relativement bas pour les exilés du climat, qui avaient été cinq fois plus nombreux sur l’ensemble de l’année 2016 (24,2 millions). Toutefois, préviennent les auteurs, le décompte risque de s’alourdir, notamment avec la saison des cyclones sur le continent américain et les bilans catastrophiques de la mousson en Asie et en Afrique.
Beaucoup de ces déplacements d’origine climatique sont la conséquence d’inondations saisonnières et par conséquent prévisibles, ce qui « montre clairement que nous n’investissons pas assez pour réduire la vulnérabilité et l’exposition [à ces catastrophes] », commente Bina Desai, responsable du département de politique et de recherche de l’IDMC. Or, les pays touchés sont le plus souvent à faibles revenus et dans l’incapacité de se prémunir. Le changement climatique, qui va multiplier et accentuer les phénomènes météorologiques extrêmes, annonce donc des flux croissants de déplacés internes.
Dans un rapport publié mardi 22 août, l’organisation Refugees international alerte de son côté sur la situation en Somalie, où une grave sécheresse, qui a conduit le pays au bord de la famine, a contraint plus de 800 000 habitants à abandonner leurs villages pour rejoindre des centres urbains. Cette crise aigüe est amplifiée par la difficulté de mettre en place une aide humanitaire, en raison de la présence du groupe islamiste Al-Chabab. Un exemple, parmi d’autres, mettant en évidence le fait que dans les faits, conflits et catastrophes se combinent pour déplacer en masse des populations doublement éprouvées.