Maxime Zecchini, un clavier pour la main gauche
Maxime Zecchini, un clavier pour la main gauche
Par Marie-Aude Roux
Le pianiste enregistre une anthologie du répertoire pour la main gauche dont le prochain volume paraîtra en mars.
A deux stations de métro de la Philharmonie de Paris, qui accueillait jeudi 15 février la grande Elisabeth Leonskaja, un autre récital de piano suscitait la curiosité : le pianiste français Maxime Zecchini, spécialiste du répertoire pour la main gauche, se produisait dans l’immense salle des fêtes de la mairie du 19e arrondissement de Paris dans un programme intitulé « Hommage au Centenaire de la Grande Guerre » organisé par le festival Concerts d’hiver.
Le Steinway est accolé contre la petite scène qui sert de podium aux discours et cérémonies municipales, le public installé sur de simples chaises en plastique, mais le concert est gratuit dans la limite des places disponibles, tout comme les treize autres soirées du festival qui se tient jusqu’au 18 février. Maxime Zecchini n’a pas été victime comme Leon Fleisher, Gary Graffman ou Michel Béroff, d’une quelconque blessure ou de cette fameuse dystonie, trouble neurologique moteur caractérisé par une déficience du tonus musculaire, qui peut faire des ravages chez les pianistes.
Le jeune homme a toujours au contraire joui d’une puissance singulière de sa main gauche. Lui parle de cet engouement qui lui est venu alors qu’il travaillait le Concerto pour la main gauche, de Ravel, sans conteste la plus connue des quelques 600 œuvres pour la main gauche que comporte le répertoire, qu’elles soient transcriptions ou compositions originales.
Ainsi le Prélude et Nocturne pour la main gauche op. 9 écrit par Scriabine alors qu’il s’était blessé à la main droite par excès de travail, suivi de l’impressionnante et virtuose Fantaisie en la bémol majeur extraite des Trois grandes études pour les deux mains séparées et réunies op.76 d’Alkan, surnommé le « Berlioz du piano », qui comporte aussi une pièce pour la main droite seule. Entre chaque morceau, le jeune homme s’adresse au public, donne des éléments d’explication, comme pour les nombreuses transcriptions d’opéra au XIXe siècle qui diffusaient à très moindre frais les airs à succès en province. C’est le cas du « Miserere », de Verdi, extrait du Trouvère, ou de « Casta Diva » de La Norma, de Bellini, après la Méditation de Thaïs, de Massenet, que l’absence de violon rend moins élégiaque mais plus sombre et dramatique.
Soldat des temps modernes
Le pouce et l’index pour la mélodie, les trois autres pour l’accompagnement (sauts, arpèges, tremolos, battements, notes répétées) ainsi qu’un usage particulier de la pédale qui permet de garder des résonances en prenant garde de ne pas brouiller la clarté polyphonique, telles sont les règles de base pour le supra pianiste « gaucher ». Sans oublier aussi un goût du challenge bien dans l’esprit de ces virtuoses avides de dépasser les limites de l’instrument ou les vicissitudes de la guerre : mise en abyme culottée, Maxime Zecchini a proposé pour finir une transcription pour la seule main gauche du Concerto que Ravel composa à la requête du pianiste autrichien (naturalisé américain), Paul Wittgenstein, qui avait perdu son bras droit sur le front russe au cours de la première guerre mondiale et désirait néanmoins poursuivre sa carrière.
Après avoir relaté la brouille entre l’interprète et le compositeur, qui quitta Vienne précipitamment à la suite d’une création désastreuse en novembre 1931 – le commanditaire, jugeant l’œuvre injouable, l’avait arrangée dans une version pour deux pianos –, Maxime Zecchini a donné du chef-d’œuvre ravélien une lecture impressionnante tant sur le plan purement pianistique que de l’expression musicale. Soldat des temps modernes à sa façon, Maxime Zecchini sortira début mars chez Ad Vitam Records le septième des dix volumes de l’anthologie qu’il consacre au répertoire pour la main gauche, un projet soutenu par la Mission du centenaire 14-18. Au programme cette fois, des compositeurs de musique contemporaine, Nicolas Bacri, Richard Dubugnon, Alain Louvier, Maurice Ohana et Bruno Mantovani.
Maxime Zecchini - Anthologie oeuvres pour la main gauche - Ad Vitam Records/Harmonia Mundi
Durée : 03:38
Concerts d’hiver. Salle des fêtes de la mairie du 19e arrondissement, 5-7, place Armand Carrel, Paris 19e. Jusqu’au 18 février. Tél. : 01-44-52-28-90. Entrée libre dans la limite des places disponibles. mairie19.paris.fr
Disque à paraître le 6 mars : septième volume de l’anthologie du répertoire pour la main gauche en dix volumes chez Ad Vitam Records/Harmonia Mundi. maximezecchini.fr/enregistrements.php