« Un raccourci dans le temps » : la cause des femmes à la sauce Disney
« Un raccourci dans le temps » : la cause des femmes à la sauce Disney
Par Isabelle Regnier
La réalisatrice Ava DuVernay transforme un roman à succès en un conte sirupeux.
Reese Witherspoon et la jeune Storm Reid, qui incarne Meg, à la recherche de son père disparu. / ATSUSHI NISHIJIMA
Propulsée en 2012, quand son Middle of Nowhere remporta le grand prix au festival de Sundance, Ava DuVernay a acquis une reconnaissance internationale avec Selma (2014), évocation d’un épisode crucial du combat de Martin Luther King et des Afro-Américains pour les droits civiques. Poursuivant sa trajectoire météorique, la réalisatrice a été choisie pour diriger une superproduction Disney, dont la projection de presse française, le 8 mars, a été introduite par un livestream d’une heure, filmé depuis Los Angeles et retransmis par YouTube.
Ava DuVernay y apparaissait entourée de ses actrices : Oprah Winfrey, Reese Witherspoon, la jeune Storm Reid… S’adressant aux jeunes filles du monde entier, cœur de cible du film, elles déclinaient les formules d’un bréviaire d’empowerment made in Disney – « crois en toi, trouve ta voie, provoque ta chance » –, tout en martelant que le film était formidable.
Eprouvant ratage
Après la sortie de Black Panther, de Ryan Coogler, ce conte fantastique incarné par une jeune héroïne afro-américaine et dont le casting est composé en majorité d’acteurs issus des minorités, confirme le nouveau positionnement de l’empire de l’entertainment. A l’instar de Mattel, qui vient de lancer une gamme de poupées Barbie modelées sur des femmes fortes et célèbres (Ava DuVernay en a une à son effigie), Disney s’empare des rêves d’émancipation des minorités pour renouveler son stock de récits et élargir ses sources de revenus.
Un Raccourci dans le Temps - Nouvelle bande-annonce (VF)
Durée : 02:22
Cette instrumentalisation de la cause des femmes est apparue d’autant plus cynique que le film est un éprouvant ratage. Adapté d’un roman à succès de Madeleine L’Engle, il conte l’aventure de la jeune Meg à la recherche de son père, scientifique disparu dans une pliure de l’espace-temps. Lissant les aspérités de ses personnages, la réalisatrice pioche dans des films récents, d’Interstellar à Avatar, de Divergente à Premier contact, en passant par la série Stranger Things, pour en faire une matière sirupeuse et roborative. Les jeunes filles méritent mieux.
Film américain d’Ava DuVernay. Avec Storm Reid, Oprah Winfrey, Reese Witherspoon, Mindy Kaling, Chris Pine (1 h 50).