Sommet des Amériques : sans Trump ni Maduro, faire unité pour la forme
Sommet des Amériques : sans Trump ni Maduro, faire unité pour la forme
Par Arthur Carpentier
Le sommet des Amériques devait réunir, les 13 et 14 avril, la trentaine de dirigeants du Nord et du Sud. Mais l’absence des présidents américain et vénézuélien risque de faire apparaître la fragmentation croissante du continent.
Cela devait être l’arène des grands affrontements, ce sera celle des grands absents. Le sommet des Amériques, qui se tient vendredi 13 et samedi 14 avril à Lima, au Pérou, se déroulera sans les dirigeants américain et vénézuélien, Donald Trump et Nicolas Maduro. Le président équatorien, Lenin Moreno, n’en sera pas non plus. Organisé tous les trois ans depuis 1994 pour maintenir un lien entre la trentaine d’Etats du continent, cette huitième édition aura pour thème « la gouvernance démocratique face à la corruption ».
Le sujet entre en résonance avec la situation de nombreux pays – Brésil, Venezuela, Pérou, Guatemala, Argentine… – et ne débouchera donc probablement pas sur de grandes décisions concrètes. « Ce genre de sommets internationaux aboutit à des déclarations finales minutieusement sous-pesées, pour contenter tout le monde, souligne Olivier Dabène, spécialiste de l’Amérique latine et chercheur au centre d’études et de recherches internationales (CERI) de Sciences Po. Les sommets des Amériques sont avant tout des occasions pour le continent de se réunir et discuter du climat politique, il sera donc plus intéressant d’observer le jeu politique. »
Lors de la 7ème édition du sommet des Amériques en 2015 au Panama, Barack Obama, alors président des États-Unis, avait rencontré le dirigeant cubain Raul Castro, amorçant le réchauffement entre les deux pays. / REUTERS/HANDOUT
Pas de confrontation américano-vénézuelienne
Ce « jeu politique » a commencé avant même le début du forum, avec l’annonce de l’absence de Donald Trump. « Le président restera aux Etats-Unis pour superviser la réponse américaine à la Syrie », déclarait, mardi 10 avril, la porte-parole du gouvernement américain, Sarah Sanders. Le vice-président Mike Pence et la conseillère et fille de M. Trump, Ivanka, le remplaceront au sommet. C’est la première fois qu’un président américain ne participe pas à ce rendez-vous, qui permet pourtant d’entretenir un lien avec l’Amérique latine sur laquelle les Etats-Unis ont longtemps tenté de conserver une influence. Après plus d’une année au pouvoir, Donald Trump ne s’est pas rendu une seule fois dans la région, signe de l’absence d’importance qu’il lui confère.
Quelques heures après l’annonce de la Maison Blanche, Nicolas Maduro annonçait également qu’il ne serait pas présent au Pérou, invoquant le refus des autorités d’assurer sa sécurité. Le président vénézuélien déclarait pourtant, en février, qu’il « arriverait au sommet des Amériques avec la vérité du Venezuela (…) qu’il vente ou qu’il tonne, par les airs, par terre ou par mer », après que Lima lui avait retiré son invitation pour protester contre la convocation d’élections anticipées au Venezuela. Une décision discutable, selon Olivier Dabène : « Si on prend pour critère le respect de la démocratie, il peut sembler étonnant d’exclure le Venezuela alors que des pays tels que Cuba ou le Honduras sont invités. »
Le président vénézuélien Nicolas Maduro, avec sa femme Cilia Flores, pendant une manifestation de soutien à l’approche de élection présidentielle anticipée, le 5 avril 2018. / HANDOUT / REUTERS
La potentielle rencontre entre les deux présidents américain et vénézuélien était le moment le plus attendu de ce forum. Washington s’est montré très belliqueux avec Caracas, lui reprochant ses arrangements avec la démocratie et la répression de l’opposition. Donald Trump avait, à plusieurs reprises, refusé les propositions de dialogue de Nicolas Maduro « tant que la démocratie ne serait pas rétablie ». Le dirigeant américain avait même évoqué une possible intervention militaire dans un pays qu’il qualifie de dictature, avant de frapper plusieurs personnalités vénézueliennes de sanctions financières.
Multiples élections à venir
Malgré l’absence du premier intéressé, le principal sujet de discussions sera d’ailleurs la crise politique et économique au Venezuela. Selon les chiffres de la commission économique de l’ONU pour l’Amérique latine (Cepal), publiés mercredi 11 avril, le PIB vénézuélien devrait chuter de 8,5 % en 2018, tandis que le continent connaît une reprise économique modérée de 2,2 %.
Les participants au sommet pourraient notamment décider de se positionner sur une ligne commune afin de ne pas reconnaître l’élection présidentielle anticipée, prévue le 20 mai. Les opposants vénézuéliens boycotteront ce scrutin, estimant que les conditions ne sont pas réunies pour qu’il soit démocratique et transparent.
Ce dossier devrait polariser le sommet entre les douze pays du groupe de Lima – créé pour trouver une solution politique à la crise vénézuélienne – et certains membres de l’alliance bolivarienne, créée en 2004 par les présidents aujourd’hui décédés Hugo Chavez et Fidel Castro.
S’il plane encore des doutes sur la venue de l’actuel dirigeant cubain, Raul Castro, qui doit céder le pouvoir le 19 avril, les Cubains seront probablement les plus fervents défenseurs du Venezuela. « Avec la crise du chef de file naturel, le Brésil, en pleine tourmente juridico-politique, une importante question de leadership est en train de se jouer en Amérique latine, note Olivier Dabène, mais il n’y a pas vraiment d’alternatives individuelles, il faudra donc voir si des groupes se solidifient et émergent pendant ce sommet. »
Une importante partie des dirigeants américains qui prendront part à ce sommet auront cependant la tête ailleurs, préoccupés par des considérations de politique intérieure. Dans les six mois à venir auront notamment lieu des élections en Colombie (présidentielle le 27 mai), au Mexique (législatives et présidentielle le 1er juillet), au Brésil (présidentielle en octobre) et au Pérou (régionales et municipales en octobre). Constituer un front commun face au Venezuela permettrait de trouver un dénominateur commun préservant un semblant d’unité dans un continent de plus en plus fragmenté.