Eric Manigaud à la galerie Sator, à Paris

Eric Manigaud est archiviste-dessinateur, profession récente, exigée à notre époque de « fake news » et d’amnésie. Depuis plus d’une décennie, il reprend à la mine de plomb et à la poudre de graphite des images où se voit à nu l’histoire. Photographies ou photogrammes sont agrandis jusqu’à des formats très vastes par accumulation de traits et de nuées de gris. De près, les formes sont à peine identifiables. De loin, ce sont des corps, des visages, des objets, des lieux. Le sujet est, dans la série présentée à la galerie Sator, les manifestations pour l’indépendance de l’Algérie à Paris, le 17 octobre 1961, et ce qui s’en est suivi : arrestations et liquidation de manifestants, dont certains jetés par la police dans la Seine. Le nombre de morts est estimé entre 150 et 200. Manigaud reprend des photos, dont celles d’Elie Kagan, et des images tirées d’Octobre à Paris, film de Jacques Panijel de 1962.

C’est peu dire que ce qu’il donne à voir crée le malaise : hommes parqués, bus embarquant les manifestants vers le Palais des sports, où d’innombrables sévices furent commis, corps sanglants sur les trottoirs. Chaque dessin est de l’ordre de l’attestation, énoncée sans pathos. L’exposition s’inscrit dans le processus d’écriture d’une histoire de France plus sincère que celle qui a longtemps prévalu, particulièrement sur les « événements d’Algérie » comme on disait jadis. Dissiper les faux-semblants est en effet une des fonctions centrales de l’art. Philippe Dagen

« Octobre 1961 », d’Eric Manigaud. Galerie Sator, 8, passage des Gravilliers, Paris 3e. Du mardi au samedi de 14 heures à 19 heures. Jusqu’au 16 juin. galeriesator.com

« Une Partie de campagne », des galeries à la cave, à Chassagne-Montrachet

Vue du village de Chassagne-Montrachet (Côte-d’Or) et de ses vignobles en 2009. / JEFF PACHOUD/AFP

Elle est dure, la vie d’un amateur d’art contemporain qui doit s’aventurer dans des caves : à Chassagne-Montrachet (Côte-d’Or) par exemple, où, du 25 au 27 mai, se réunissent treize galeries, et à Vosne-Romanée, où, dans le domaine de la Romanée-Conti, le centre d’art dijonnais Le Consortium montre une sélection de sa collection. Ce sont « Les Parties de campagne », qui se sont installées à Locquirec en Bretagne en 2011 et 2012, puis à Saint-Emilion en 2013, à Saint-Briac-sur-Mer en 2014 et 2015, et, depuis 2016, à Chassagne-Montrachet… Certains sont parisiens, comme Eric Dupont, H Gallery, In Situ-Fabienne Leclerc, NEC, Polaris, ou Véronique Smagghe, d’autres viennent de province comme Barnoud (Quetigny, Côte-d’Or), Lizières (Epaux-Bézu dans l’Aisne), Réjane Louin (Locquirec dans le Finistère), OVNi (Nice), et Pietro Sparta, le régional de l’étape, établi à Chagny (Saône-et-Loire), et deux de l’étranger, Albert Baronian (Bruxelles), et l’Espace JB (Genève). Tous vont apprendre à chanter « Quand je vois rougir ma trogne. Je suis fier d’être bourguignon ». Certains connaissent déjà les paroles par cœur. Harry Bellet

« Une Partie de campagne » à Chassagne-Montrachet, divers lieux. Entrée libre : le 25 mai de 17 heures à 19 heures, le 26 mai de 10 h 30 à 13 heures et de 14 heures à 19 heures, le 27 mai de 10 h 30 à 13 heures et de 14 heures à 17 heures.