Theresa May, la première ministre britannique, le 6 juin, à Londres. / TOBY MELVILLE / REUTERS

Editorial du « Monde ». Pour une fois, Boris Johnson voit juste : le Brexit est au bord de l’« effondrement ». Le ministre des affaires étrangères britannique, flamboyant partisan de la sortie de son pays de l’Union européenne lors du référendum de juin 2016, vient de confier son inquiétude lors d’une réunion privée. Il a raison. Les négociations engagées avec Bruxelles depuis mars 2017 sont dans l’impasse, et ce blocage augure très mal de la sortie du Royaume-Uni de l’UE, prévue en principe en mars 2019.

En quinze mois de négociations, la première ministre conservatrice, Theresa May, a surtout cherché à gagner du temps pour ne pas braquer les brexiters le plus acharnés, à commencer par le turbulent M. Johnson. Elle a d’abord prôné un « Brexit dur ». C’est-à-dire la rupture la plus franche, la sortie du marché intérieur, le rétablissement des frontières et le renoncement à la libre circulation des biens, des services, des capitaux et des personnes. Elle a ensuite demandé une période de transition, d’ici à la fin 2020, pendant laquelle rien ne changerait vraiment, si ce n’est que Londres serait privé, à Bruxelles, de son commissaire, de ses droits de vote à la table des Etats et de ses élus au Parlement européen.

En réalité, tout se passe comme si, prenant conscience que le Brexit sera une rude épreuve, les Britanniques voulaient le beurre et l’argent du beurre : quitter l’Europe pour respecter le choix des électeurs, mais conserver les avantages que procure l’Union.

En outre, Theresa May semble incapable de trancher la très complexe question irlandaise : comment sortir du marché unique sans réintroduire aussitôt une frontière étanche entre les deux Irlandes et rompre les accords de paix signés il y a vingt ans, sous l’égide de l’UE ? Sans même parler du risque de rallumer la guerre civile, les Européens veulent éviter que cette région ne permette aux Britanniques de contourner la dure réalité du Brexit.

Réponse britannique insuffisante

A Bruxelles, chacun en est convaincu : le seul moyen de sortir de l’imbroglio irlandais et de préserver les intérêts des Européens, c’est que Londres accepte de rester dans l’union douanière. Or c’est une concession inacceptable pour les brexiters intransigeants, car cela priverait le Royaume-Uni de la liberté de conclure des accords commerciaux bilatéraux.

Ces dernières semaines, Mme May a cherché à sortir de l’ambiguïté. Mais au risque d’être désavouée par sa fragile majorité, en particulier lors de l’examen du projet de loi sur la sortie de l’UE, qui commence mardi 12 juin à la Chambre des communes. Elle vient de proposer à Bruxelles de prolonger la transition, le temps de finaliser la future relation entre Londres et l’UE, en espérant sortir de l’union douanière au mieux en… 2021, a-t-elle dû préciser, pour éviter la démission de son ministre chargé du Brexit, David Davis.

Vendredi 8 juin, le négociateur européen, Michel Barnier, y a mis les formes, mais il a fait savoir que la réponse britannique était insuffisante. Elle « apporte plus de questions que de réponses », a-t-il dit. Une clarification définitive, qui était attendue au Conseil européen des 28 et 29 juin, paraît donc très hypothétique. Dès lors, c’est tout le calendrier de la négociation – un accord en octobre, permettant une ratification par le Parlement britannique et le Parlement européen avant la date fatidique du 29 mars 2019 – qui menace de voler en éclats. Et de faire peser une incertitude supplémentaire sur l’avenir de l’Union.