En Libye, nouveaux combats autour de terminaux pétroliers
En Libye, nouveaux combats autour de terminaux pétroliers
Le Monde.fr avec AFP
Les Brigades de défense de Benghazi ont attaqué deux sites dans la région du Croissant pétrolier, contrôlée par le maréchal Khalifa Haftar.
Des combats ont éclaté, jeudi 14 juin, autour de deux importants sites pétroliers dans l’est de la Libye, perturbant de nouveau la production de brut dans ce pays miné par les luttes d’influence. Les Brigades de défense de Benghazi (BDB) ont attaqué les deux sites dans la région du Croissant pétrolier, contrôlée par le maréchal Khalifa Haftar, l’homme fort de l’est de la Libye, mettant le feu à au moins un réservoir de brut, atteint par une roquette, selon une source militaire. Les BDB sont composées de combattants chassés de la ville de Benghazi (est) par les pro-Haftar.
Après l’attaque, des combats ont éclaté au sud des terminaux de Ras Lanouf et d’Al-Sedra, endommagés par des violences similaires en 2016 et 2017. La Compagnie nationale de pétrole (NOC) a annoncé dans un bref communiqué avoir évacué son personnel des terminaux « en raison des affrontements armés ». Elle a mis en garde contre une perte de production de l’ordre de 240 000 barils par jour, faisant état du report de l’arrivée d’un pétrolier censé charger du brut au terminal d’Al-Sedra. Le conseil d’administration de la NOC « suit la situation de près ».
Attaque repoussée
Selon un porte-parole de l’Armée nationale libyenne (ANL), autoproclamée par le maréchal Haftar, l’attaque a été « repoussée » et l’aviation « traque les brigades terroristes de Benghazi qui ont pris la fuite ». Il n’était pas possible de vérifier dans l’immédiat ces informations de source indépendante.
« Cette attaque vise à alléger la pression sur les terroristes à Derna », ville située plus à l’est, où l’ANL mène une offensive pour chasser une coalition de milices djihadistes et islamistes, a ajouté le porte-parole de l’ANL. « Les forces de Haftar […] sont absorbées par Derna, d’où le timing » de cette attaque, a estimé Jalel Harchaoui, doctorant à l’université Paris-VIII et spécialiste de la Libye.
Les forces pro-Haftar ont pris en septembre 2016 le contrôle des quatre principaux sites pétroliers de Libye – Zoueitina, Brega, Ras Lanouf et Al-Sedra –, qui assurent l’essentiel des exportations libyennes d’or noir, permettant une reprise de la production. Ces sites avaient été bloqués par la milice des Gardes des installations pétrolières (GIP) dirigée par Ibrahim Jadhran, un homme qui a régulièrement défié les différents pouvoirs libyens, à Tripoli ou dans l’est.
Aucune goutte de pétrole n’avait pu sortir des principaux ports de fin 2014 jusqu’à leur réouverture en septembre 2016. Leur fermeture avait coûté plus de 130 milliards de dollars (112 milliards d’euros) à la Libye, selon la NOC. En mars 2017, la milice des BDB s’était emparée des terminaux de Ras Lanouf et d’Al-Sedra, mais l’ANL avait réussi à les reprendre.
Lutte d’influence
Ajoutant à la confusion, Ibrahim Jadhran, qui avait disparu en 2016, est réapparu jeudi dans une vidéo sur les réseaux sociaux, affirmant avoir formé une coalition, la « Force de libération du Croissant pétrolier », pour reprendre les sites pétroliers. On ignorait si M. Jadhran était impliqué dans l’attaque de jeudi.
La Libye, qui dépend essentiellement de la manne pétrolière, produisait 1,6 million de barils par jour avant la chute du régime de Mouammar Kadhafi en 2011. La production de brut avait été divisée par cinq depuis, avant de dépasser 1 million de barils par jour fin 2017. La production est toutefois régulièrement perturbée par les violences, des actes de sabotage ou des mouvements de protestation pour réclamer des rémunérations ou pour des motivations politiques.
Cette instabilité a plongé le pays dans une crise économique, en plus d’une lutte d’influence entre deux autorités politiques rivales. Khalifa Haftar, soutenu par des autorités basées dans l’est de la Libye, s’oppose au gouvernement d’union nationale, basé à Tripoli et reconnu par la communauté internationale et l’ONU.
Fin mai, le président français, Emmanuel Macron, a réuni les principaux protagonistes de la crise libyenne, dont le maréchal Haftar. Ceux-ci ont endossé une déclaration orale prévoyant l’organisation d’élections législatives et présidentielle le 10 décembre. Des analystes estiment toutefois que la fragmentation du pays rend les promesses fragiles.