Le président nigérian Muhammadu Buhari, qui compte briguer un second mandat de quatre ans aux élections de février 2019, vient d’essuyer un revers cuisant à l’approche des primaires de son parti en août, avec la défection de 14 sénateurs et 37 membres de la Chambre des représentants de son propre camp.

L’immense majorité d’entre eux, dénonçant un mode de gouvernance autoritaire et l’impuissance du pouvoir à endiguer les violences qui se propagent depuis des mois dans le pays, ont rejoint le principal parti d’opposition, le Parti démocratique populaire (PDP) lors des dernières séances plénières avant les vacances parlementaires dans la capitale fédérale Abuja, a constaté l’AFP mardi 24 juillet. Le Congrès des progressistes (APC, au pouvoir), était jusque-là considéré en position de force pour remporter les élections générales.

« Aucun préjudice »

Le président du Sénat Bukola Saraki, dont les divergences avec le président Buhari sont notoires bien qu’il soit toujours officiellement membre de l’APC, a ironisé mardi, disant que les transfuges avaient « décampé ».

La liste des sénateurs ayant rejoint l’opposition inclut Rabiu Kwankwaso, un ancien gouverneur de l’Etat de Kano très influent, qui a été pressenti comme un candidat potentiel pour la présidentielle de 2019.

M. Kwankwaso ne s’est pas encore exprimé sur la question, mais il pourrait devenir un rival de poids au sein du PDP face à l’ancien vice-président Atiku Abubakar, qui a lui aussi quitté l’APC l’an dernier et ne cache pas ses ambitions présidentielles.

Dans un communiqué, le président Buhari a affirmé son « total engagement aux valeurs de la démocratie », demandant à ses partisans de ne « pas désespérer » et promettant que « le parti n’en subira aucun tort ou préjudice ».

De son côté, le secrétaire national du PDP, Kola Ologbondinyan, a salué les défections comme « un bon développement pour notre culture démocratique », accusant le chef de l’Etat d’« intimider » et de « harceler » l’opposition.

Conflits multiples

M. Buhari, ancien général de 75 ans qui dirigea la junte militaire au pouvoir dans les années 80, s’est fait élire en 2015, se décrivant comme un « démocrate converti ».

Il bénéficie d’un fort soutien populaire dans le nord majoritairement musulman, dont il est issu, et de sa position de président en exercice, dans un pays où la victoire revient traditionnellement au sortant après un premier mandat.

Mais de nombreuses voix s’élèvent depuis des mois contre l’inefficacité de sa lutte contre la corruption et les difficultés quotidiennes rencontrées par la majorité des Nigérians, après une grave récession économique en 2016.

Il est également très critiqué pour son incapacité à rétablir l’ordre, alors que le Nigeria est confronté à des conflits multiples, entre violences agro-pastorales dans le centre, insurrection djihadiste dans le nord-est et groupes rebelles dans le sud pétrolier.

Début juillet, plus de 30 partis dont le PDP ont formé une alliance contre la candidature du chef de l’Etat à sa propre succession.

Dans le même temps, un groupe dissident a lancé un nouveau mouvement, l’APC réformé (rAPC), au sein du parti au pouvoir, dénonçant « la catastrophe monumentale » qu’a été la présidence Buhari depuis 2015.

Les rumeurs de défections massives couraient depuis des semaines, sur fond de rivalités persistantes entre l’exécutif et les législateurs, qui ont dénoncé à plusieurs reprises une « chasse aux sorcières » ciblant les opposants présumés.