Après Total et Cdiscount, Leclerc se lance dans le marché de l’électricité pour les particuliers
Après Total et Cdiscount, Leclerc se lance dans le marché de l’électricité pour les particuliers
Par Nabil Wakim
Le géant de la distribution entend concurrencer EDF en proposant des offres moins chères sous forme de bons d’achat dans ses magasins.
Un supermarché Leclerc, à Landerneau (Finistère), en 2013. / JEAN-SEBASTIEN EVRARD / AFP
Un nouveau venu de plus sur le marché de l’électricité. Après avoir bousculé le secteur des carburants, le numéro un de la distribution alimentaire en France lance officiellement, jeudi 13 septembre, des offres d’électricité pour les particuliers.
« Notre engagement, c’est d’être le moins cher du marché », promet Michel-Edouard Leclerc, président du groupement de distributeurs indépendants. La stratégie du groupe est claire : prendre des parts de marché à ses concurrents en sacrifiant ses marges.
La raison est simple : les deux tiers de la facture d’électricité payée par les consommateurs sont identiques pour tous les fournisseurs d’énergie. Ils couvrent le prix du transport de l’électricité et la fiscalité. Reste un tiers, sur lequel les concurrents d’EDF espèrent faire la différence. C’est déjà la stratégie des gros acteurs du secteur : Engie ou Total cherchent à réduire au maximum les coûts du service client, la plupart du temps en délocalisant, pour proposer des prix attrayants. Leclerc assure que son service client sera situé en France, à Tourcoing (Nord).
Leclerc annonce une formule d’un genre nouveau dans le secteur. Il promet de garantir, pendant un an, un rabais de 10 % par rapport au tarif d’EDF ou bien de 20 % sous forme de bons d’achats dans ses magasins aux porteurs de cartes de fidélité Leclerc. Le groupe assure avoir 14 millions d’adhérents à ce programme et veut viser 3 millions de clients pour son offre d’électricité d’ici à la fin de 2025, ce qui représenterait environ 10 % du marché.
Un marché déjà très encombré
« Nous cherchons clairement à satisfaire et à privilégier une clientèle qui nous connaît déjà », a précisé Michel-Edouard Leclerc à l’agence Reuters. Le groupe de distribution espère renouveler son succès foudroyant obtenu dans le secteur des stations-service : il est aujourd’hui le deuxième acteur du secteur derrière Total, en pratiquant une politique de coûts bas pour attirer les clients vers ses supermarchés. Un droit obtenu de haute lutte, après avoir mené des centaines de batailles juridiques devant les tribunaux pour obtenir la libéralisation du marché.
Cette nouvelle offre intervient dans un contexte où de plus en plus de clients se détournent d’EDF : l’opérateur historique perd 100 000 clients par mois. Selon les derniers chiffres publiés, mardi 11 septembre, par la Commission de régulation de l’énergie (CRE), près de 20 % des clients ont quitté EDF.
Mais si les fournisseurs alternatifs connaissent une croissance continue, EDF reste ultra-majoritaire sur le marché : près de 26 millions de clients sont toujours chez EDF et s’acquittent des tarifs réglementés de vente, fixés par l’Etat.
Les offres de Leclerc vont débarquer sur un marché déjà très encombré. En 2017, Total s’est lancé, avant de racheter, au printemps 2018, son concurrent Direct Energie et ses 2 millions de clients. Depuis, Cdiscount (filiale du groupe Casino) et Butagaz sont venus s’ajouter à cette concurrence. Sans compter Engie (ex-GDF Suez), devenu l’un des concurrents les plus sérieux d’EDF dans le secteur.
Vigilance sur les prix et les pratiques
Comme ses concurrents Engie ou Total, Leclerc propose des offres dites « 100 % vertes ». Autrement dit : Leclerc va acheter son électricité à des producteurs (principalement EDF), puis compensera l’équivalent en achetant des certificats de garantie d’origine d’une électricité produite à partir de sources renouvelables, en particulier des barrages hydroélectriques.
Cette guerre tarifaire et ces arguments commerciaux incitent le médiateur de l’énergie et les associations de consommateurs à la prudence. A cause des particularités de la facture d’électricité, les réductions tarifaires annoncées sont en général peu conformes avec ce qui est annoncé dans les publicités. Selon des simulations effectuées par les services du médiateur de l’énergie, « lorsque la publicité d’un fournisseur annonce “moins 10 %”, la baisse n’excède pas 7 % ». Résultat : les gains sur la facture sont parfois peu significatifs.
Autre point de vigilance : cette concurrence accrue a parfois conduit les fournisseurs à des pratiques douteuses, profitant du manque de connaissance du marché par les particuliers. Plusieurs acteurs, dont Engie, Total et Direct Energie, ont été montrés du doigt pour des pratiques mensongères et un démarchage agressif, ces derniers mois, par les associations de consommateurs et le médiateur de l’énergie.