Cinq questions sur la crise politique au Sri Lanka
Cinq questions sur la crise politique au Sri Lanka
Une semaine après le limogeage surprise du premier ministre par le président, cette île de l’océan Indien connaît toujours une situation politique très confuse.
Des soutiens du premier ministre sri-lankais sortant, Ranil Wickremesinghe, manifestent à Colombo le 30 octobre. / ISHARA S. KODIKARA / AFP
Une semaine après son commencement, vendredi 26 octobre, la crise politique au Sri Lanka suscite toujours les inquiétudes dans cette île de l’océan Indien marquée par une longue histoire de violence politique.
Quelle est l’origine de la crise ?
Depuis le vendredi 26 octobre, le Sri Lanka compte deux premiers ministres rivaux. La raison ? Le président Maithripala Sirisena a décidé, subitement, de limoger le chef du gouvernement, Ranil Wickremesinghe, pour le remplacer par Mahinda Rajapakse, ancien président autoritaire de l’île. Dans la foulée, le président sri-lankais a également suspendu le Parlement.
Surpris par ce renvoi, M. Wickremesinghe refuse de quitter son poste et dénonce un acte inconstitutionnel. Mardi, des dizaines de milliers de personnes lui ont manifesté leur soutien : entre 25 000, selon la police, et 100 000 personnes, selon le United National Party (UNP) – parti de M. Wickremesinghe – se sont rassemblées devant sa résidence à Colombo, la capitale du pays, où il vit retranché depuis le début de la crise politique.
En parallèle, nommé nouveau chef de gouvernement, Mahinda Rajapakse, ancien autocrate de cette nation de 21 millions d’habitants, n’a lui pas tardé à nommer une partie de son propre gouvernement. Ses partisans ont notamment pris le contrôle de médias publics.
Comment le président a-t-il justifié ce changement surprise de premier ministre ?
Deux jours après la nomination surprise, M. Sirisena a expliqué dimanche, lors d’une déclaration télévisée, avoir choisi de se séparer de son ancien premier ministre car celui-ci avait pris des « décisions individuelles » sans le consulter, et avait laissé prospérer la « fraude et la corruption » dans le pays. Il a également accusé un ministre du précédent gouvernement d’avoir préparé une tentative d’assassinat le visant.
Le président et le premier ministre qu’il a limogé – qui s’étaient associés lors de la présidentielle de 2015 pour faire tomber M. Rajapakse – avaient déjà des divergences sur la politique économique. Mais les tensions étaient montées d’un cran entre les anciens alliés, à un an de la présidentielle. Selon certains médias sri-lankais, cette nouvelle alliance avec M. Rajapakse est une tentative, pour M. Sirisena, de se maintenir aux affaires après les prochaines élections.
Pourquoi le retour de l’ancien président Rajapakse en tant que premier ministre inquiète ?
Le règne de Mahinda Rajapakse, de 2005 à 2015, avait été marqué par de multiples violations des droits de l’homme, des disparitions de journalistes et des accusations de népotisme. Dans le nord du pays, où vit la minorité tamoule, son nom est associé à la campagne militaire extrêmement brutale qui s’est traduite par l’écrasement sanglant en 2009 de l’insurrection des Tigres de libération de l’Eelam tamoul. Cette campagne avait mis un terme à vingt-six années d’une guerre civile ayant fait près de 100 000 morts.
Pendant combien de temps le Parlement est-il suspendu ?
Prévue jusqu’au 16 novembre, la suspension du Parlement devrait être levée le 7. Le président du Parlement, Karu Jayasuriya, a convoqué vendredi une session parlementaire pour la semaine prochaine. Il espère ainsi sortir de la lutte de pouvoir au sommet de l’Etat, pour laquelle les marchandages font rage en coulisses.
Depuis le début de la crise, la communauté internationale appelle le président Sirisena à convoquer un vote de confiance à l’Assemblée, seule à pouvoir départager les deux parties. Le premier ministre sortant, M. Wickremesinghe, peut ainsi espérer obtenir un vote de confiance pour prouver qu’il y détient toujours la majorité, ce dont l’avait privé le président en suspendant très vite le Parlement.
De l’autre côté, le premier ministre nouvellement nommé, M. Rajapakse, peut compter sur une popularité croissante. A la tête d’un gouvernement plus que précaire, il a d’ores et déjà ordonné la réduction du prix de denrées alimentaires essentielles et la baisse de taxes. Des mesures perçues comme destinées à s’attirer les faveurs de l’opinion publique.
Que donnerait un éventuel vote de confiance au Parlement ?
Tout dépendra désormais des marchandages et des défections qui sont actuellement négociés par les deux camps afin d’obtenir une majorité des suffrages des parlementaires. L’UNP, formation du premier ministre sortant, accuse le camp opposé de faire traîner la suspension du Parlement afin d’avoir le temps d’organiser des défections dans les rangs des députés adverses.
Un parlementaire et cadre de l’UNP, Range Bandara, a même affirmé vendredi s’être vu offrir 2,8 millions de dollars et une future place de ministre de la justice pour passer du côté de MM. Rajapakse et Sirisena. Le Sri Lanka Muslim Congress (SLMC), qui détient sept sièges sur 225 au Parlement et pourrait faire basculer la majorité, a également affirmé que ses députés avaient rejeté des offres de rejoindre M. Rajapakse.