Charles Michel à Louvain, le 20 novembre. / EMMANUEL DUNAND / AFP

Le gouvernement belge dirigé par le libéral Charles Michel est en péril, mercredi 5 décembre, à l’aube d’un débat parlementaire sans doute décisif pour son avenir.

C’est le pacte de l’ONU sur la migration qui est à l’origine des tensions au sein de la coalition de quatre partis : trois d’entre eux, dont le Mouvement réformateur du premier ministre, approuvent ce texte qui doit être entériné la semaine prochaine à Marrakech et un quatrième, la puissante Alliance néoflamande (N-VA, nationaliste) s’y oppose farouchement.

Ces derniers jours, M. Michel a usé de toutes les techniques pour sauver sa majorité : concertation, proposition d’amendement – ou, du moins, d’une « déclaration interprétative » indiquant l’absence de caractère contraignant du pacte –, négociation avec ses vice-premiers ministres, explications d’experts au Parlement, etc. Rien n’y a fait : la formation de Bart De Wever, président de la N-VA et maire d’Anvers, a maintenu qu’un gouvernement qui signerait le texte onusien n’aurait plus son soutien.

Mardi, un élément est venu radicaliser le débat : alors que se déroulaient les dernières tractations afin d’éviter la crise, les nationalistes flamands lançaient sur les réseaux une campagne censée être « explicative ». On y découvrait des images, puisées dans une banque déjà utilisée par le parti d’extrême droite allemand AfD et assorties de légendes sur ce que permettrait le pacte : un adoucissement des règles pour le regroupement familial, la fin du caractère punissable du séjour illégal, la possibilité pour les clandestins d’accéder aux droits sociaux, etc.

« Erreur de communication »

Des contre-vérités « scandaleuses », selon le vice-premier ministre chrétien-démocrate Kris Peeters, qui, comme M. Michel, a demandé l’arrêt immédiat de cette campagne. Le parti de M. De Wever devait s’exécuter, invoquant une « erreur de communication ». Le projet avait, en fait, été élaboré par Joachim Pohlmann, bras droit et conseiller du président de la N-VA. Il affirmait avoir voulu présenter de manière « simple et basique » les objections de sa formation.

Au Parlement, l’extrême droite – le parti Vlaams Belang – se frottait les mains et annonçait qu’elle reprendrait à son compte la campagne. Tout le monde s’est souvenu à ce moment que Theo Francken, le secrétaire d’Etat à la migration, personnalité très populaire qui a imprimé un cours de plus en plus radical à son parti, a affirmé récemment qu’il s’inspirait parfois des positions défendues par le Vlaams Belang.

Impossible, en tout cas, pour M. Michel d’espérer encore poursuivre la négociation avec son partenaire. Dans la soirée de mardi, il a convoqué une conférence de presse confirmant son souhait d’aller à Marrakech pour confirmer l’adhésion de son pays au pacte. Il a appelé le Parlement à trancher : des résolutions affirmant l’engagement de la Belgique y sont débattues et doivent être votées mercredi en commission, jeudi en séance plénière.

Coalition « kamikaze »

Soit la N-VA décide de se rallier et se soumet, soit elle s’y oppose et se démet. La deuxième alternative semblait la plus probable jusqu’à ce que Peter De Roover, le représentant de la N-VA au sein de la commission des relations extérieures, en invente une troisième : mercredi matin, il annonçait que son parti voterait contre le pacte mais restait membre du gouvernement.

Une situation « chaotique », résume le député Vert Kristof Calvo. En réalité, la N-VA espérait ainsi renvoyer vers ses partenaires la responsabilité du déclenchement de la crise. Ajournant ses discussions, la commission du Parlement devait reprendre ses travaux dans l’après-midi et décider ainsi de l’avenir de la coalition mise en place en 2014. Baptisée « kamikaze » parce qu’elle associait pour la première fois la N-VA au pouvoir, elle pourrait finalement être fidèle à sa dénomination.