NBA : le grand bazar du All-Star Game
NBA : le grand bazar du All-Star Game
Par Clément Martel
Autrefois prestigieux, le « match des étoiles » de la NBA, dont la 68e édition se déroule dimanche à Charlotte, a perdu son attrait.
Cette année, le Grec Giannis Antetokounmpo a été désigné l’un des deux capitaines des équipes du All Star Game. / Richard Mackson / USA TODAY Sports
Qu’est-il arrivé au All-Star Game ? Grand raout déplaçant chaque année la NBA tout entière dans une ville le temps d’un week-end, la messe du basket nord-américain se déroule, dimanche 17 février à Charlotte (Caroline du Nord). Concours de dunks, de tirs à trois points, et de vélocité balle en main étaient au programme avant l’affrontement entre les 24 meilleurs joueurs de la Ligue (2 heures, heure française). Mais depuis bien des années, ce match a perdu l’immense aura qu’il véhiculait.
Longtemps, les « matchs des étoiles » propres aux ligues sportives nord-américaines (du hockey au football, chacune organise le sien) ont servi à présenter les meilleurs joueurs aux supporteurs qui ne les voyaient que fort rarement, voire jamais. Mais en 2019, alors qu’il est possible, partout dans le monde, de ne pas manquer une miette des matchs de n’importe quelle équipe, ces rencontres s’apparentent à des reliques qu’on adore par coutume, mais dont la raison d’être s’est doucement évaporée avec le temps.
Voire à une prise de risques. Aujourd’hui, un joueur comme LeBron James n’a nul besoin de participer au concours de dunks pour assurer la visibilité de sa « marque », comme a pu le faire Michael Jordan et bien d’autres en leur temps. Multinationale à lui seul, l’ailier des Los Angeles Lakers dispose de bien des leviers – à commencer par les réseaux sociaux – pour développer son image, sans avoir à risquer de perdre (éventuellement) un tel concours. Celui-ci, remporté samedi par le rookie Hamidou Diallo, est devenu l’apanage des impétrants de la Ligue ; et, privé de ses stars, le public s’en est désintéressé.
Epicer la formule pour retrouver le lustre d’antan
A l’instar de son homologue du base-ball, qui a rencontré pareille désaffection, la NBA a tenté d’épicer la formule pour rendre au All Star Game son lustre d’antan. Notamment en faisant voter les fans, pour qu’ils s’emparent de l’événement. Mais le cas Zaza Pachulia, en 2017, a forcé la Ligue à modifier sa méthode. Anonyme en NBA, le géant géorgien ayant roulé sa bosse en bout de banc de bien des équipes a bien failli se retrouver titulaire du match des étoiles après que son pays tout entier – avec l’aide de taquins de tous bords – a tenté de l’y expédier.
Désormais, les votes des fans ne comptent plus que pour la moitié, le reste étant contrebalancé par ceux des joueurs et d’un collège de journalistes (pour les titulaires, les remplaçants étant choisis par les coachs). Et le système demeure flou : pour satisfaire les fans ayant voté en masse pour des stars n’ayant plus nécessairement le niveau sportif pour prétendre à la grand-messe du basket, la NBA a choisi au dernier moment d’inviter Dwayne Wade et Dirk Nowitzki, deux glorieux anciens disputant leur dernière saison, à participer à une dernière danse.
L’an passé, un changement drastique de formule était censé revitaliser un match devenu au fil des ans un second concours de dunks. Pas de défense, pas d’intensité et guère d’intérêt. Fini les meilleurs joueurs de chaque conférence (Est et Ouest) s’affrontant pour la supériorité de la Ligue. Place désormais à des équipes hybrides, sélectionnées par les deux joueurs ayant obtenu le plus de voix. Cette année, l’un après l’autre, LeBron James et Giannis Antetokounmpo ont choisi chacun leur tour les membres de leur team. Exactement comme dans les matchs de cour d’école, où personne ne voulait être choisi en dernier (l’arrière des Washington Wizards, Bradley Beal, a écopé de cette sentence).
NBA All-Star Draft with LeBron & Giannis | NBA on TNT
Durée : 17:54
Côté sportif, rien à déclarer
Si la draft (sélection) des deux équipes, télévisée cette année, s’est révélée intéressante à suivre, c’est surtout pour ses à côtés. « C’était fun. Un peu comme si on était de retour au parc, à choisir chacun son équipe », a insisté LeBron James, capitaine pour la seconde année d’affilée. Et la superstar des Lakers en a profité pour « faire son marché », choisissant en priorité des joueurs bientôt free agents et susceptibles de le rejoindre à Los Angeles (Kevin Durant, Kyrie Irving, Klay Thompson, Kawhi Leonard et Anthony Davis).
Côté sportif, en revanche, rien à déclarer. Si le choix des participants au match est (un peu) plus intéressant, le jeu en lui-même n’a pas changé. Et le phénomène concerne tous les « matchs aux étoiles » organisés par les ligues nord-américaines, qui semblent parfois se tirer la bourre pour déterminer qui décrochera la palme du ridicule. Une étude du site FiveThirtyEight s’est intéressée à la différence au score entre les rencontres régulières et ces matchs des étoiles, sport par sport. Et si la NBA voit les deux équipes All-Star inscrire 44,5 % de points en plus que sur un match ordinaire, elle reste loin de son homologue du hockey, la NHL, où la marque augmente de 235,6 % ! Une absence de défense justifiable par l’inintérêt sportif, et la volonté des joueurs d’éviter les potentielles blessures.
Dans ce contexte, difficile d’imaginer un scénario rendant son attrait au All-Star Game. Nul ne semble à blâmer, sinon le temps. A l’ère des « superteams » assemblées pour remporter le titre, voir les meilleurs joueurs du monde ensemble sur un terrain n’a plus rien d’extravagant.
« Amusez-vous, c’est tout. Il n’y a pas de gagnants ni de perdants à ce match. » Au vu du spectacle proposé sur le parquet, difficile de donner tort à l’ancien joueur reconverti consultant, Charles Barkley. Dans ce grand bazar qu’est devenu le All-Star Game, les joueurs s’amusent. Mais forcés de composer avec une rencontre dénuée d’intensité, de défense ou d’intérêt, les perdants de l’affaire ne seraient-ils pas les supporteurs ?