Crises des opioïdes : premières poursuites pénales de dirigeants aux Etats-Unis
Crises des opioïdes : premières poursuites pénales de dirigeants aux Etats-Unis
Le Monde.fr avec AFP
Deux anciens responsables d’un grossiste en pharmacie sont accusés d’association de malfaiteurs en vue de distribuer des stupéfiants et d’échapper au contrôle des autorités.
La crise des opioïdes a conduit à des dizaines de milliers d’overdoses aux Etats-Unis. / Mark Lennihan / AP
Il s’agit d’une première dans la crise qui frappe les Etats-Unis et qui a conduit à des dizaines de milliers d’overdoses : deux ex-dirigeants d’un grossiste en pharmacie ont été inculpés pour avoir honoré des commandes de médicaments opioïdes qu’ils savaient frauduleuses.
C’est la première fois que des responsables ou anciens responsables d’une entreprise pharmaceutique sont poursuivis pénalement dans un dossier lié à ces antalgiques très puissants qui comportent un fort risque d’addiction.
L’ancien employeur des deux inculpés, le grossiste en pharmacie Rochester Drug Cooperative (RDC), a conclu un accord amiable avec le procureur fédéral de Manhattan, Geoffrey Berman, et accepté de verser une amende de 20 millions de dollars.
« Des dizaines de millions de cachets »
RDC a reconnu avoir « échoué à identifier et communiquer des commandes suspectes de médicaments par des pharmacies » de 2012 à 2017, dans un communiqué transmis par le groupe à l’Agence France-Presse (AFP).
En échange de la reconnaissance de certains faits, du paiement de l’amende et d’un engagement à réformer ses pratiques, la société a obtenu une suspension des poursuites pénales et conservé sa licence.
RDC est l’un des dix plus gros acteurs du secteur aux Etats-Unis, avec environ 1 300 pharmacies clientes et un chiffre d’affaires annuel estimé à plus d’un milliard de dollars, selon des documents publiés mardi par les services du procureur Berman.
Selon l’enquête, le groupe n’a pas signalé au moins 2 000 commandes suspectes de médicaments dont la distribution est contrôlée par l’agence américaine de lutte contre les drogues (DEA).
L’équipe dirigeante de RDC, « y compris son ancien PDG, a insufflé une culture de non-conformité au sein de l’entreprise et donné la priorité à l’augmentation des commandes, satisfaire les clients existants et, par-dessus tout, faire de l’argent ».
« Sous la direction de [Laurence] Doud [PDG de 1991 à 2017], RDC a livré des dizaines de millions de cachets d’oxycodone, fentanyl et d’autres opioïdes potentiellement dangereux » à des pharmacies dont des employés du grossiste savaient, et en avaient informé leur patron, « qu’elles les distribuaient à des individus qui n’en avaient pas besoin médicalement », affirme l’accusation.
« Epidémie nourrie par la cupidité »
M. Doud a été interpellé mardi pour association de malfaiteurs en vue de distribuer des stupéfiants et d’échapper au contrôle des autorités. Il a été présenté à un juge, qui a ordonné sa remise en liberté moyennant le versement d’une caution de 500 000 dollars.
L’ancien responsable de la conformité de RDC, William Pietruszewski, a lui plaidé coupable des deux mêmes chefs d’accusation, ainsi que de manquements à son devoir de signalement aux autorités.
Plusieurs centaines d’actions ont été intentées ces dernières années contre des groupes pharmaceutiques, mais il s’agit de la première au pénal.
Quelque 47 600 personnes sont mortes en 2017 des suites d’une overdose d’opioïdes aux Etats-Unis, selon les chiffres du Centre de contrôle des maladies (CDC). « Cette épidémie a été nourrie par la cupidité », a fait valoir Geoffrey Berman lors d’une conférence de presse, soulignant que M. Doud trouvait un intérêt à ces ventes d’opioïdes et avait vu son salaire plus que doubler entre 2012 et 2016.
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Durée : 03:17