« Under the Silver Lake » : jeu de piste dans les eaux sombres de Los Angeles
« Under the Silver Lake » : jeu de piste dans les eaux sombres de Los Angeles
Par Jean-François Rauger
Sous les apparences du thriller, un voyage initiatique et ésotérique à travers la ville du cinéma.
Le titre du deuxième long-métrage de David Robert Mitchell était It Follows (2014). Il y était question de décrire l’état d’adolescence à la lumière du cinéma d’épouvante. Ce qui « suivait » les protagonistes était ce qui les menaçait, et l’angoisse provenait d’abord de cette incertitude quant aux intentions de celui ou de celle qui, dans la rue, se mettait à vous emboîter le pas. Le motif de la filature, ramené dans ce cas à une figure anxiogène, a certainement eu un destin dans l’histoire du cinéma qui dépassait les contraintes du récit policier.
Lieu de fantasmes et de désir
Under the Silver Lake s’identifie régulièrement à ce modèle. Sam, un flegmatique jeune homme fauché et en quête de célébrité à Los Angeles, se lance à la recherche de Sarah, une voisine draguée à la piscine de son motel le temps d’une soirée, qui s’est volatilisée à l’aube. Sa recherche prendra la forme d’un sarcastique et ingénieux jeu de l’oie géant. Il se lance dans une suite de filatures qui définiront un voyage initiatique et ésotérique, au cours duquel il devra déchiffrer des signes mystérieux dans les boîtes de céréales ou en écoutant des disques de musique à l’envers, afin de découvrir, in fine, la vérité sur le sort de la disparue tout autant que sur l’essence de la ville.
Car Los Angeles est le sujet profond du film de David Robert Mitchell. Tous les personnages que son dérisoire héros sera amené à suivre, à rencontrer, à affronter même, sont les émanations exemplaires d’un endroit qui a depuis longtemps dépassé son existence concrète pour devenir un lieu de fantasmes et un objet de désir. Under the Silver Lake conclut avec une identité parfaite entre la réalité de la ville et sa dimension symbolique, mythologique et libidinale.
Si le personnage principal retrouve une forme de réel dans le lit d’une voisine, femme mûre aimant la chair fraîche, il aura auparavant découvert un des secrets cachés de l’eldorado californien. Un secret qui désignerait les rois de Beverly Hills et les princes d’Hollywood comme l’équivalent des monarques de l’ancienne Egypte, une allégorie que filait déjà Maps to the Stars, de David Cronenberg, même si, ici, l’appel à la mythologie est une manière de souligner la dimension dérisoire de la Cité des anges.
UNDER THE SILVER LAKE : BANDE ANNONCE
Durée : 02:18
Film américain de David Robert Mitchell. Avec Andrew Garfield, Riley Keough (2 h 19). www.mycanal.fr/cinema/under-the-silver-lake/h/10180431_40099