Les adultes en reconversion, public surprise de Parcoursup
Les adultes en reconversion, public surprise de Parcoursup
Par Sylvie Lecherbonnier
La plate-forme d’inscription dans le supérieur, dont la phase principale se termine ce vendredi, attire aussi des milliers d’adultes, jeunes ou moins jeunes, en quête de formations post-bac.
A côté des lycéens et des étudiants en réorientation, 110 000 adultes se sont inscrits sur Parcoursup en 2019. / Camille Stromboni (CC by 2.0)
La phase principale de Parcoursup, la plate-forme nationale d’inscription dans l’enseignement supérieur, prend fin ce vendredi 19 juillet. Une grande partie des 900 000 candidats sont déjà fixés sur leur sort. Deux jours avant la clôture, 88 % des 640 000 lycéens ont reçu, depuis le 15 mai, une ou plusieurs propositions d’admission dans une formation, tout comme 75 % des 149 000 étudiants en réorientation.
Mais à côté de lycéens et d’étudiants, il existe sur Parcoursup toute une nébuleuse de candidats aux profils variés : des adultes en reprise d’études, souvent en quête de reconversion professionnelle. Ils étaient plus de 110 000 cette année sur Parcoursup. « Nous constatons une forte augmentation de ces candidats par rapport à 2018. C’est une surprise de cette édition », observe le ministère de l’enseignement supérieur, qui ne précise ni le pourcentage exact de cette hausse, ni la part de ce public qui a obtenu au moins une proposition d’admission.
« Effet Parcoursup »
Comment expliquer cet afflux de candidats en reprise d’études ? En partie par « l’effet Parcoursup », dont la notoriété se développe depuis la mise en place de la plate-forme en 2018, et qui centralise les inscriptions en première année d’enseignement supérieur sans limite d’âge. La précédente, Admission post-bac (APB), était réservée aux moins de 26 ans. Sur Parcoursup, les candidats qui souhaitent faire un cursus post-bac en reprise d’études n’ont pas à postuler dans chaque université ou chaque établissement un à un (même s’ils le peuvent toujours) : ils dressent une liste de vœux, et leur dossier est examiné dans tous les établissements demandés. De quoi se simplifier la vie et maximiser ses chances en multipliant les candidatures, en particulier dans les formations sélectives.
Christine Boubanga, 47 ans, technicienne médicale dans une clinique à Montpellier, était bien rodée aux procédures d’admission dans le supérieur : il y a cinq ans, elle a épaulé son fils pour postuler en première année commune des études de santé, tandis qu’en 2018, sa fille a candidaté en licence de droit via Parcoursup. Cette année, c’est elle qui a créé un dossier sur la plate-forme. Elle concrétise un projet qui lui trottait dans la tête depuis longtemps : devenir enseignante en sciences et techniques médico-sociales. « Cela fait plusieurs années que j’essaie d’obtenir des financements de la formation professionnelle, sans succès. Alors j’ai décidé de me lancer quand même. » Christine Boubanga assure n’avoir rencontré aucune difficulté pour s’inscrire, même si son bac date de 1991. Elle n’a fait qu’un vœu : une licence en sciences sanitaires et sociales à l’université de Montpellier III - Paul-Valéry. Et a reçu une proposition d’admission dès le 15 mai.
D’autres candidats en reprise d’études sont plus jeunes, comme Sarah*, 21 ans. Depuis l’obtention de son bac ES en 2017, elle avait songé, puis renoncé au projet d’une licence de russe à l’université, faute de temps. « Je fais 10 à 15 heures de danse classique par semaine afin d’entrer dans une compagnie. Je travaille comme baby-sitter pour payer mes cours de danse », raconte-t-elle. Cette année, elle a découvert l’existence d’une licence de russe à distance, proposée par l’université de Lille, compatible avec son emploi du temps. Elle a postulé, a été admise et commencera à la rentrée.
L’appel d’air des écoles d’infirmiers
Cet afflux de candidats en reprise d’études s’explique aussi par un facteur conjoncturel : l’intégration, depuis 2019, des Instituts de formation en soins infirmiers (IFSI) et des Instituts régionaux de travail social sur la plate-forme. Un quart de public en reprise d’études n’a formulé des vœux que dans des IFSI. « La suppression, cette année, du concours pour entrer en IFSI a créé un appel d’air. La barrière des frais des concours n’existe plus, tout comme la limite d’âge », explique Bilal Latrèche, président de la Fédération nationale des étudiants en soins infirmiers. Dans ce nouveau cadre, la sélection sur dossier « permet aux candidats en reconversion de mettre en valeur leur parcours », poursuit-il. De quoi susciter des vocations.
Simon Bausmayer-Aubertin fait partie de ces aspirants infirmiers inscrits sur Parcoursup. Après son bac S, il a décroché un BTS de comptabilité-gestion, mais s’est rendu compte que cette voie ne lui plaisait pas. « Je suis issu d’une famille de soignants. J’ai pris conscience à travers des jobs d’été que j’avais finalement envie de devenir infirmier. » Son BTS en poche, il a postulé quelques mois plus tard dans 70 IFSI via Parcoursup. « J’ai candidaté dans tous les regroupements d’Instituts de l’ouest, de Caen à Pau », affirme le Vendéen. Depuis le 15 mai, il scrute les mises à jour de Parcoursup. Parmi ses quatre réponses positives, il a choisi l’IFSI de Poitiers, mais attend jusqu’au dernier moment pour voir si d’autres propositions apparaissent sur ses vœux encore en attente. Une partie de sa formation sera prise en charge par Pôle emploi.
Conçu à l’origine comme un outil d’orientation et de pré-inscription pour les lycéens, Parcoursup pourrait aussi devenir, au fil des ans, l’un des pivots de la formation tout au long de la vie. Même si aujourd’hui, selon le ministère de l’enseignement supérieur, « la plate-forme n’est pas forcément le bon outil pour appréhender les attentes de ces candidats en reprise d’études, qui font l’objet d’un suivi à part, en lien avec le ministère du travail », notamment pour les questions de financement. Franck Giuliani, président de la Conférence des directeurs des services universitaires de formation continue, s’attend que le nombre d’adultes sur Parcoursup augmente d’année en année et estime qu’il faut donc s’adapter à cette demande : « Nous travaillons à mieux prendre en charge ces candidats pour les prochaines éditions. »
*Le prénom a été changé.