François Simon, le critique gastronomique de "M Le magazine du Monde". | Deirdre Rooney

Au XIIIe siècle, il y avait là un couvent. Il allait de la Seine à la rue Saint-André-des-Arts. Parfois, lorsque l’hiver est sombre, les rues désertes dans le coin, l’illusion agit. On se croirait dans un ailleurs, écrit en lettres gothiques, poutres apparentes, vitraux et bois travaillés. Le Relais Louis XIII s’inscrit dans cette enclave datée.

Les chaises ont le dossier haut, le service poncé par le scrupule stresse ostensiblement. Il arrive que Manuel Martinez, le chef patron (ex-Tour d’Argent), apparaisse, flatte quelques tables, s’assure que tout va bien ou que « ça a été ? », pour reprendre cette expression magnifiquement foireuse de la gastronomie. La cuisine, on l’aura deviné, file doux dans ce passéisme réussi. Elle aurait même cette vertu soudaine des oubliés (des délaissés, comme on dit à la campagne) que l’actualité nous ramène comme des bois flottés.

Relais Louis XIII

Voici donc des plats comme la quenelle de bar, sorte d’abstraction insensée, d’une douceur de séraphin, passant comme une hostie, une sorte de miracle pour édentés, une construction elliptique glissant comme un souffle. On repose alors la fourchette comme incrédule. « Attention, l’assiette est chaude », annonce la serveuse. Bien sûr, on vérifie de la paume. Elle l’est.

Le canard au sang. | François Simon

Dessus (on pourrait même dire : dedans) se dresse le canard maison. Il est délivré avec sa sauce au sang. Sorte de masque mortuaire magnifique et mystérieux que l’on ose à peine recueillir, comme un sacrilège gothique, inquiétant. Mais c’est délicieux, alors on réclame une cuillère à sauce pour glisser sur la surface du disque de l’assiette. On a l’impression de recueillir les larmes d’une cuisine révolue, presque oubliée. On a l’impression que le chef traverse le temps et donc on lui sert la louche de façon allusive.

C’est cette cuisine d’émotion qu’il s’agit d’aller cueillir avant qu’elle ne disparaisse, avec nos regrets chicanants, et cette nostalgie crémeuse, aux superbes cuissons. Attention, ce genre de voyage ne se fait pas à l’emporte-pièce, il faut glisser les doigts prudemment comme on le ferait pour saisir une soucoupe (chaude).

Passage à l’acte

Relais Louis XIII, 8, rue des Grands-Augustins, Paris 6e. Fermé le dimanche et le lundi. Tél. : 01-43-26-75-96.

Relais Louis XIII

  • Décibels : 77 dB, clientèle appliquée et contente.
  • Mercure : 21 °C, un peu plus chaude vers les cuisines.
  • Place de choix : on évitera les tables de l’entrée pour préférer celles des coins ou du fond. L’étage n’est pas indispensable.
  • Addition : comptez 150 € à la carte. Menus le soir à 90 €, 140 € le week-end.
  • Minimum syndical : le menu au déjeuner à 60 €.
  • Verdict : pour un voyage dans le temps, oui.
  • Dommage : l’addition si l’on s’accorde l’imprudence de la carte. Ce ne sera pas le cas si vous optez pour les menus, plus qu’intéressants, notamment au déjeuner !
  • A emporter : si vous aimez les choux à la crème, la boutique créée par Manuel Martinez se trouve à deux pas de là. La Maison du chou, 7, place de Furstenberg, Paris 6e. Tél. : 09-54-75-06-05.

"Faut-il y aller ?" - Relais Louis XIII
Durée : 01:44