Emploi à domicile : les cotisations baissent pour pour éviter le travail au noir
Emploi à domicile : les cotisations baissent pour pour éviter le travail au noir
Par Gaëlle Picut
En décembre 2015, l’Assemblée nationale a voté la réduction des charges patronales pour chaque heure travaillée, au bénéfice des particuliers employeurs. Cette mesure suffira-t-elle à stopper le recul du nombre d’employeurs et de salariés dans ce secteur et le regain du travail non déclaré ?
"En 2013, le gouvernement Ayrault a supprimé la possibilité, plus avantageuse pour les employeurs, de déclarer au « forfait » plutôt que sur le salaire réel. Or 30% des parents employeurs de gardes d’enfants à domicile déclaraient leur salarié au forfait." | AFP/MYCHELE DANIAU
Faisant suite aux demandes de la Fédération des particuliers employeurs (Fepem), le gouvernement a décidé d’abaisser les charges sociales patronales des particuliers employeurs : ils bénéficient, depuis le 1er décembre 2015, d’une réduction forfaitaire de 2 euros au lieu de 75 centimes par heure travaillée déclarée.
Cette baisse concerne tous les services à la personne : les gardes d’enfants mais aussi le ménage, l’aide aux personnes âgées, etc. « Nous nous sommes battus pour cette mesure. Les particuliers employeurs ayant été écartés du pacte de responsabilité et du CICE (Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi), il nous semblait normal qu’un geste équivalent soit fait », défend Marie-Béatrice Levaux, présidente de la Fepem et conseillère au Conseil économique, social et environnemental (CESE). Manu Lécot, secrétaire national des Services-CFDT, estime de son côté qu’il s’agit d’une « mesure plutôt équilibrée, qui permet de rendre ces services plus accessibles aux particuliers employeurs tout en étant socialement acceptable pour les salariés ».
Avec à cette réforme, le coût total pour l’employeur d’une heure payée au smic passe de 13 euros contre 14,20 euros auparavant. « Ceci représente une baisse du coût total du travail de près de 9 % avant application du crédit d’impôt de 50 %, soit un niveau d’exonération supérieur à celui du dispositif antérieur supprimé en 2011 », souligne Bercy. Pour l’Etat, cette décision représente, à court terme, un manque à gagner de 225 millions d’euros.
Nombre d’heures déclarées en baisse
L’objectif est à la fois d’enrayer la baisse du nombre d’heures déclarées par les particuliers employeurs depuis trois ans et le regain du travail dissimulé et du travail « gris » (c’est-à-dire quand les employeurs ne déclarent qu’une partie des heures effectuées par le salarié). « Le secteur a subi quatorze trimestres consécutifs de destruction des emplois déclarés entre particuliers, soit 70 000 emplois équivalent temps plein perdus », estime Marie-Béatrice Levaux.
Plusieurs coups de rabot dans les avantages octroyés aux particuliers employeurs ont en effet eu pour conséquence de faire baisser le nombre d’heures déclarées : en 2011, le gouvernement Fillon a supprimé l’exonération de 15 points de charges sur les salaires et en 2013, le gouvernement Ayrault a supprimé la possibilité, plus avantageuse pour les employeurs, de déclarer au « forfait » plutôt que sur le salaire réel.
Or 30 % des parents employeurs de gardes d’enfants à domicile déclaraient leur salarié au forfait. En compensation, un abattement forfaitaire de 75 centimes par heure avait toutefois été mis en place, porté en 2014 à 1,50 euro pour la garde d’enfants de 6 à 13 ans. « Même si la crise a joué un rôle certain dans le recul de la masse salariale, il est évident que ces mesures ont fait que certains particuliers employeurs ont renoncé à embaucher ou à déclarer. Nous étions favorables à la suppression du forfait qui pénalisait les salariés mais nous étions conscients qu’il fallait trouver une façon de faire baisser le coût du travail », considère Manu Lécot.
1,6 million de salariés
Pour rappel, le travail à domicile représente 3,6 millions de particuliers employeurs (1/3 de parents pour la garde de leurs enfants, 1/3 de personnes de plus de 70 ans et 1/3 pour le soutien à la conciliation des temps de vie, aide scolaire, ménage…) et 1,6 million de salariés. Au total, 12,2 milliards d’euros sont versés par les employeurs (dont 3,1 milliards d’euros de cotisations patronales et salariales).
La Fepem espère que cette baisse des charges va contribuer à relancer l’emploi dans ce secteur. « En tenant compte de l’ensemble des réductions, sociales et fiscales, une heure payée 10 euros net au salarié ne coûtera plus au final que 8 euros à l’employeur. Ceux qui ne déclarent pas leurs employés vont donc perdre de l’argent », résume Marie-Béatrice Levaux.
Par ailleurs, depuis le mois d’avril, les services à domicile disposent enfin d’une nouvelle classification des métiers, avec sa grille de salaires correspondants. « Cela faisait des années que nous la réclamions », indique Manu Lécot. Le particulier employeur a six mois pour classer l’emploi de son salarié déjà en poste. « Cette nouvelle classification qui se veut pédagogique a été négociée avec les partenaires sociaux. Elle vise à professionnaliser le secteur et à revaloriser les métiers de service à la personne, en précisant les contenus des métiers et en les hiérarchisant en douze niveaux », explique Marie-Béatrice Levaux.
Une majoration salariale a été négociée pour les salariés disposant d’une certification professionnelle afin de les inciter à se former, ou à entreprendre une validation des acquis de l’expérience (VAE) et à faire reconnaître leurs compétences. « Ces éléments sont positifs, commente Manu Lécot. Ils vont permettre aux salariés d’avoir une meilleure reconnaissance de leurs métiers et de leurs compétences. S’occuper d’enfants ou d’une personne âgée, ce sont de vrais métiers, qui nécessitent des qualifications. Professionnaliser le secteur est bénéfique à la fois aux employeurs et aux salariés », affirme-t-il.
On constate depuis quelques années une forte augmentation des demandes de formation, notamment de la part des assistantes maternelles. « Deux points importants restent toutefois à négocier pour les travailleurs à domicile : celui de l’accès à la santé et à la médecine du travail et celui de la complémentaire santé, dont ils sont écartés pour le moment », souligne M. Lécot.