En Argentine, le retour politico-judiciaire de l’ex-présidente Cristina Kirchner
En Argentine, le retour politico-judiciaire de l’ex-présidente Cristina Kirchner
Par Christine Legrand (Buenos Aires, correspondante)
Quatre mois après avoir quitté son poste, l’ancienne présidente comparaissait mercredi dans le cadre d’une affaire de spéculation sur les taux de change impliquant la banque centrale argentine.
Cristina Kirchner salue ses partisans en quittant le tribunal où elle était interrogée sur des malversations de la banque centrale durant son mandat. | MARCOS BRINDICCI / REUTERS
Impliquée dans plusieurs affaires de corruption, l’ancienne présidente péroniste Cristina Fernandez de Kirchner (2007-2015) a transformé sa première convocation devant la justice, mercredi 13 avril à Buenos Aires, en un retour fracassant sur la scène politique.
Sous une pluie battante, des milliers de partisans l’ont accompagnée jusqu’aux portes du tribunal de Comodoro Py, dans le centre de la capitale, insultant le juge Claudio Bonadio qui avait cité Mme Kirchner à comparaître dans le cadre d’une opération présumée de spéculation sur les taux de change menée par la banque centrale, durant les dernières semaines de son mandat. D’après le gouvernement actuel, qui était dans l’opposition à l’époque, l’opération a fait perdre des centaines de millions de dollars à la 3e économie d’Amérique latine.
Quatre mois de silence
Refusant de répondre aux questions du juge, Mme Kirchner a présenté un écrit dans lequel elle dénonce « un exercice abusif du pouvoir judiciaire » dans ce dossier. « Ils peuvent me convoquer, vingt fois, me mettre en prison, mais ils ne me feront pas taire », a lancé Cristina Kirchner, à sa sortie du tribunal, perchée sur une estrade d’où elle a prononcé un discours enflammé de plus d’une heure. Souriante et sobrement vêtue d’un tailleur gris et chemisier blanc, elle s’est présentée en victime d’une persécution politico-judiciaire, accusant durement la justice, les médias et le gouvernement du président de centre droit Mauricio Macri, qui lui a succédé le 10 décembre 2015. Elle a appelé à la création d’un « grand front citoyen », incluant les syndicats.
« Nous allons revenir », scandait la foule. Depuis son départ du pouvoir, le 9 décembre dernier, après avoir refusé de participer à la cérémonie d’investiture de son successeur, Mme Kirchner gardait le silence, recluse dans sa demeure d’El Calafate, en Patagonie. La citation d’un juge lui a permis de reprendre sa place sur l’échiquier politique argentin au moment où le mouvement péroniste est affaibli par des divisions internes.
« L’impunité, c’est terminé »
Haranguant ses partisans, Mme Kirchner a cherché à faire revivre les récits mythiques des persécutions politiques en Argentine, faisant allusion à l’ancien président radical Hipólito Yrigoyen, renversé par un coup d’Etat militaire en 1930, et au général Juan Domingo Perón, renversé en 1955 et contraint à l’exil pendant 18 ans. Rappelant qu’à l’époque, il était interdit de prononcer le nom de Perón, Mme Kirchner a affirmé d’un ton moqueur être « convaincue que s’ils pouvaient interdire la lettre K de l’alphabet, ils le feraient ».
Il est fort probable que Cristina Kirchner soit à nouveau convoquée par la justice dans le cadre de plusieurs affaires de corruption et de blanchiment d’argent, ce que l’on a baptisé à Buenos Aires « la route de l’argent K ». « En cherchant la route de l’argent “K”, ils ont trouvé la route de l’argent “M” », a ironisé, mercredi, Cristina Kirchner, faisant allusion au scandale des « Panama Papers », dans lequel le nom de M. Macri apparaît dans le directoire de trois sociétés offshore de son père, Franco Macri, millionnaire et puissant capitaine d’industrie.
Le gouvernement se défend de toute ingérence dans les affaires judiciaires. « L’impunité, c’est terminé. Nous sommes tous égaux devant la loi », a déclaré, le 12 avril, le président Macri. Cristina Kirchner, 63 ans, ne bénéficie d’aucune immunité depuis qu’elle a quitté le pouvoir, après deux mandats consécutifs.