Un accord entre Athènes et ses créanciers – Fonds monétaire international (FMI), Mécanisme européen de stabilité (MES) et Banque centrale européenne (BCE) – avant le 1er mai paraît désormais illusoire. Le porte-parole du président de l’Eurogroupe, Jeroen Dijsselbloem, a confirmé mardi 26 avril au soir que la réunion des ministres des finances de la zone euro pour entériner un accord, initialement programmée jeudi 28 avril, avait finalement été reportée sine die.

Cela fait maintenant près de quatre mois que les discussions patinent sur le programme de réformes à mettre en place en Grèce pour que le pays puisse continuer à bénéficier des prêts du troisième plan d’aide (en tout 86 milliards d’euros), décidé en août 2015.

Désormais, le temps presse. Les créanciers voudraient absolument en avoir fini avec le « problème » grec avant la fin du mois de mai, pour éviter qu’il ne « pollue » la campagne référendaire britannique (pour ou contre le « Brexit »), qui, en juin, entrera dans sa dernière ligne droite.

Et Athènes a absolument besoin d’une nouvelle tranche de prêts : sa situation de trésorerie commence à se tendre et un gros remboursement à la BCE (plus de 3 milliards d’euros), doit être acté au début de juillet. Selon nos informations, le premier ministre grec, Alexis Tsipras, qui, depuis l’été 2015, avait accepté toutes les requêtes des créanciers, mais ne dispose plus que d’une très courte majorité à la Vouli – le Parlement grec –, réclame désormais un sommet des chefs d’Etat et de gouvernement européens pour sortir de l’impasse. « C’est peu probable qu’on le lui accorde, mais les contacts bilatéraux au sommet vont se multiplier dans les jours qui viennent », selon un diplomate européen.

Train d’économies supplémentaires

Un accord a presque été trouvé sur le premier train de mesures d’économies proposé par le gouvernement Tsipras en janvier : une réforme des retraites ambitieuse, la poursuite de la réforme fiscale, des mesures pour réduire les stocks de créances douteuses dans les bilans des banques hellènes. Ce paquet de mesures représentant environ 3 % du produit intérieur brut (PIB) grec (environ 5 milliards d’euros) est nécessaire pour déclencher le déboursement d’une nouvelle tranche de prêt pour Athènes dans le cadre du troisième plan d’aide au pays.

Mais c’est sur le paquet de mesures additionnelles, d’environ 2 % du PIB grec (soit 3,5 milliards d’euros) que les discussions achoppent. Ce paquet n’était pas initialement prévu dans le « Memorandum of Understanding », le contrat de prêts contre réformes signé en août 2015. Il a été imposé à Athènes par les créanciers à la mi-avril. Il s’agirait non pas de réformes à mettre en œuvre tout de suite, mais si jamais les finances grecques s’éloignaient trop, dans les mois qui viennent, des objectifs que lui ont fixés les créanciers (un surplus primaire, hors paiement des dettes, de 3,5 % du PIB en 2018).

Ne pas toucher aux retraites

En réalité, ce train supplémentaire d’économies est une assurance proposée pour réconcilier les vues de la BCE, du MES et de la Commission européenne d’un côté ; et de l’autre, de celles du FMI qui, depuis l’été 2015, hésite à poursuivre son aide à la Grèce. L’institut de Washington se montre plus pessimiste que ses partenaires européens. Il ne croit pas qu’avec le seul paquet de réformes à 3 % du PIB (retraites, impôts, créances douteuses), Athènes puisse atteindre 3,5 % de surplus primaire en 2018.

Le gouvernement d’Athènes ne s’est pas opposé sur le principe à cette « assurance », mais pose ses conditions. Il préférerait ne pas légiférer, « dans la loi grecque, il n’est pas possible de faire passer des mesures préventives. Les solutions auxquelles nous devons aboutir dans les jours qui viennent doivent être crédibles pour les créanciers, les investisseurs et les citoyens grecs », précisait une source diplomatique grecque, vendredi 22 avril, lors d’un Eurogroupe à Amsterdam. Le ministre des finances grec, Euclide Tsakalotos, refuse par ailleurs de s’engager sur des réformes supplémentaires précises, contrairement à ce qu’exige le FMI. Pas question, notamment, que parmi ces nouvelles mesures, Athènes soit obligée, une fois de plus, de toucher aux retraites des Grecs, qui ont déjà été largement amputées depuis 2010.

« Grexit », le retour ?

Pour qu’Athènes cède, il faudrait que dans les jours qui viennent les créanciers acceptent enfin un vrai allégement de la dette grecque, qui atteint aujourd’hui 180 % du PIB du pays. Depuis la fin de 2012, ils laissent entendre qu’un jour ils finiront par négocier, mais, jusqu’à présent, ils ont toujours repoussé cette discussion à l’adoption, par Athènes, de mesures d’austérité supplémentaires. Certes, la discussion sur un allégement de la dette a officiellement commencé vendredi dernier à Amsterdam, « mais il y a encore une très grosse marge, entre ceux – le ministre des finances allemand, Wolfgang Schauble – qui pensent qu’il n’est pas du tout nécessaire de proposer un allégement dans les années qui viennent, la charge de la dette étant très faible jusqu’en 2022, et les autres, à la Commission européenne ou à la BCE, partisans d’une réduction des remboursements le plus tôt possible, aussi pour rassurer les marchés financiers sur la capacité de la Grèce à sortir des crises à répétition sur le long terme », confie une source proche du dossier.

Une crise grecque aussi dramatique que celle de l’été 2015 menace-t-elle ? A l’époque, en juillet, le pays était passé tout prêt d’un « Grexit » – une sortie de la zone euro. Cette année, l’Europe, déjà submergée par les crises (migrants, terrorisme, populismes), n’a pas du tout envie de « rejouer le film ». Surtout à Berlin, où « le Grexit n’est plus une option sur la table », selon une source proche du dossier.