La radio, ce miroir de la société
La radio, ce miroir de la société
Par Alain Constant
Stéphane Meunier offre une passionnante traversée historique et sociologique d’un média qui, par sa proximité, continue de séduire (jeudi 18 février à 20 h 30 sur LCP).
Les voitures d'Europe 1 et RTL arrivent boulevard Saint-Germain pour couvrir la manifestation du 6 mai 1968, suivant l'arrestation et la condamnation de plusieurs des manifestants du 3 mai. | PHILIPPE JOHNSSON/SIPA
Stéphane Meunier offre une passionnante traversée historique et sociologique d’un média qui, par sa proximité, continue de séduire.
On peut, au travers de l’évolution du formidable média qu’est la radio, dresser un tableau sociologique de la France. C’est ce que prouve le documentaire de Stéphane Meunier, riche en archives sonores, mais aussi visuelles. Il commence avec l’abbé Pierre, au début des années 1950, et se termine dans un grand studio de la Maison de la radio, à Paris, avec Jérôme Garcin, qui anime, depuis 1989, chaque dimanche soir, l’une des émissions radiophoniques françaises les plus emblématiques, « Le Masque et la Plume » (à l’antenne du service public depuis novembre 1955 !). Comme le résume le journaliste littéraire : « De temps en temps, une émission devient une petite mythologie nationale. Les Français se reconnaissent là-dedans. »
L’incidence de la radio peut être aussi rapide que massive. A l’hiver 1954, alors que des gens meurent de froid dans les rues de Paris, l’abbé Pierre lance son célèbre appel sur Radio-Luxembourg. Un grand moment d’émotion. L’onde de choc est réelle et la mobilisation, exceptionnelle.
Abbé Pierre - l'appel du 1er février 1954
Durée : 04:00
Dans les années 1950, Paris-Inter diffuse chaque semaine « La Tribune de Paris », une émission dans laquelle les journalistes parlementaires, très influents à l’époque de la IVe République, s’expriment librement et souvent de manière virulente. Le concept est nouveau, il connaît un succès phénoménal. La radio devient rapidement un espace de liberté pour les journalistes, mais le pouvoir politique, conscient de son influence, va tout faire pour interdire d’antenne les voix hostiles, qui peuvent aller des communistes aux gaullistes du RPF.
Mobile, souple et efficace
Avec la révolution que représente l’arrivée du transistor, la radio devient mobile, souple et plus efficace encore. Toujours aussi vigilant, le pouvoir politique surveille de près les ondes. Lorsque des généraux putschistes tentent de prendre le pouvoir à Alger, le général de Gaulle renoue avec une vieille habitude prise à Londres en 1940… Il lance, en 1960, un appel à destination des troupes présentes en Algérie : « Tous les soldats français doivent m’obéir ! » Le message est clair, efficace et entendu.
Les événements de Mai 68 font les jours fiévreux et les folles nuits de RTL et d’Europe 1, pendant que l’ORTF est en grève. L’arrivée du Nagra, magnétophone portable et véritable couteau suisse du journaliste radio, donne encore plus de portée, de rapidité et de fluidité aux reportages.
En 1974, l’éclatement de l’ORTF et la disparition du ministère de l’information marquent une nouvelle étape. La radio française en dit aussi beaucoup sur les mœurs de ses citoyens.
Le média radio continue de séduire
Arrivée à l’antenne de RTL juste après Mai 68, Ménie Grégoire (1919-2014) y travaillera jusqu’en 1982. Ses émissions vont permettre à des millions de femmes de témoigner de leurs situations sociales et familiales, souvent peu enviables dans une société encore très patriarcale.
Sur France Inter, durant trois ans (entre 1976 et 1978), les chroniques de Françoise Dolto, célèbre pédiatre et psychanalyste, bouleverseront aussi des centaines de milliers d’auditeurs. Aujourd’hui, le média radio, qui a bénéficié de multiples évolutions techniques, continue de séduire les foules. Et il n’y a aucune raison pour que cette histoire d’amour se termine.
une émission radio Paris Inter enregistrée en 1957
Durée : 15:03
Les Temps de la radio, de Stéphane Meunier (France, 2015, 52 min). Le jeudi 18 février à 20 h 30 sur LCP. Le documentaire est suivi, dans le cadre de l’émission Droit de suite d’un débat « Radio, toujours de bonnes ondes ? » présenté par Jean-Pierre Gratien avec, pour invités, Pierre Bellanger, Guillaume Durand, Olivier Poivre d’Arvor et Fabienne Sintes.