C’est la première fois qu’un président du Mouvement des entreprises de France (Medef) se rend en Côte d’Ivoire. La première fois, aussi, que l’organisation patronale française embarque dans son sillage une telle délégation en Afrique subsaharienne. Pas moins de 130 chefs d’entreprises, qui, du lundi 25 au jeudi 28 avril, se sont rendus à Abidjan pour partir à la reconquête d’un territoire de plus en plus convoité : la Côte d’Ivoire.

Un tel déplacement n’a rien d’anodin. Tirée par une consommation des ménages en hausse (+ 8 % en 2015, selon la Banque Mondiale), une bonne performance agricole et une expansion rapide du secteur du BTP (+ 25 % en 2015), la croissance ivoirienne est fulgurante : 9 %, en moyenne, depuis la fin de la crise politique de 2010-2011.

Une bonne santé économique qui fait figure de quasi-exception dans la sous-région. Aussi, les investisseurs s’intéressent-ils de plus en plus au premier producteur mondial de cacao et d’anacarde. De 292 millions d’euros en 2012, les investissements directs étrangers (IDE) y sont passés à 408 millions d’euros en 2014, soit une augmentation de 40 % en deux ans.

Seulement, cette concurrence croissante a fait perdre des parts de marchés aux investisseurs français. En dix ans, celles-ci ont quasiment été divisées par deux, passant de 20 % en 2000 à près de 11 % en 2015. De quoi pousser la crème du patronat français à faire le déplacement.

« Il faut s’y remettre, il faut se battre », a martelé Pierre Gattaz, le patron des patrons, devant sa délégation. « Si on ne fait rien, si on ne bouge pas, si on reste terrorisé en France par la mondialisation, ça va aller de mal en pis. »

« Chasser en meute »

Sa solution ? « Chasser en meute ». Autrement dit, encourager l’investissement d’un grand nombre de petites et moyennes entreprises (PME) françaises à l’étranger plutôt que de se concentrer sur les gros billets lâchés par quelques mastodontes. Et espérer que les géants emportent avec eux les plus petits.

Une stratégie qui s’est reflétée dans la composition de la délégation. Parmi les quelque 130 chefs d’entreprises français, 75 % de PME, au contact de 25 % de grands groupes. « Avec ce voyage, je consolide surtout mon réseau, je vais bien rencontrer un ou deux dirigeants intéressants pour moi », espère Jean-Pierre Duhamel, patron de SIA.

L’équipementier spécialisé dans la construction d’usines pour produits liquides réalise 100 % de son chiffre d’affaires en Afrique subsaharienne. Avec seulement six salariés et un chiffre d’affaires oscillant entre 3 et 5 millions d’euros depuis sa création en 2004, SIA a fait de sa petite taille un avantage. « Dans l’agroalimentaire, l’intérêt de l’Afrique pour les PME est qu’il n’y a pas beaucoup de concurrence. Le marché est trop petit pour les gros équipementiers, ils sont encore focalisés sur l’Asie », affirme Jean-Pierre Duhamel.

Opération séduction

La Côte d’Ivoire, locomotive de l’Afrique de l’Ouest et première puissance francophone de la sous-région, a tout intérêt à voir des petites sociétés françaises s’installer sur son sol. 80 % des entreprises ivoiriennes sont des PME mais leur contribution au PIB n’est que de 20 %.

Une coopération entre les deux pays permettrait à la Côte d’Ivoire de réaliser un des objectifs de son Programme national de développement 2016-2020 : doubler la contribution des petites et moyennes entreprises au PIB.

« Les PME françaises, ont ne les a pas assez senties jusqu’ici, regrette Jean Kacou Diagou, président de la Confédération générale des entreprises de Côte d’Ivoire (Cgeci). Nous souhaitons qu’elles viennent car elles sont à la dimension de nos investisseurs locaux. » « La France et la Côte d’Ivoire, c’est une affaire de cœur », a quant à lui déclaré Daniel Kablan Duncan, Premier ministre et Ministre de l’économie ivoirien.

Une opération séduction qui a ravi les autorités du Medef. « Pierre Gattaz est sur un petit nuage. De toutes les missions auxquelles j’ai participé, c’est ici, en Côte d’Ivoire, que l’accueil a été le plus chaleureux et prometteur », glisse un des proches du Président de l’organisation patronale.

Côté entrepreneurs français, certains saluent le discours ivoirien quand d’autres se montrent plus réticents et attendent que leurs affaires se concrétisent, redoutant tantôt la lenteur bureaucratique, tantôt les problèmes de corruption.

Il n’empêche, pendant quatre jours la Côte d’Ivoire a pu préparer le terrain en vue du Groupe consultatif ivoirien qui se tiendra à Paris les 17 et 18 mai prochain. Une visite évidemment économique dont l’objectif est de mobiliser des fonds auprès des partenaires français de la Côte d’Ivoire. Avec, à terme, l’intention de réaliser le grand dessin du Président Alassane Ouattara : faire de la Côte d’Ivoire un pays émergent à l’horizon 2020.