Le numéro un américain du charbon en faillite
Le numéro un américain du charbon en faillite
Par Denis Cosnard
Incapable de faire face à ses engagements, Peabody s’est placé sous la protection de la justice mercredi 13 avril.
C’est une chute très symbolique. Peabody, le premier producteur américain de charbon, s’est officiellement placé sous la protection de la loi américaine sur les faillites, le fameux « chapitre 11 », a-t-il annoncé mercredi 13 avril. Le groupe, lesté d’une dette de 6,3 milliards de dollars (5,6 milliards d’euros), n’est plus en mesure de faire face à ses engagements. Les transactions sur ses actions à Wall Street ont été immédiatement suspendues.
Cette faillite du leader américain confirme que rien ne va plus pour le charbon, la plus polluante et la plus meurtrière des énergies.
Glenn Kellow, le patron de Peabody, présente, lui, la situation sous un jour plus positif : « A travers ce processus, nous voulons réduire notre dette, alléger nos frais fixes, améliorer notre cash-flow, a-t-il déclaré. C’était une décision difficile, mais nous commençons aujourd’hui à construire un leader mondial à succès pour demain. »
Trois grandes secousses
Fondé en 1883 à Chicago par un jeune homme nommé Francis S. Peabody avec 100 dollars, un wagon et deux mules, Peabody est encore en 2016 le premier groupe du secteur à capitaux privés à travers le monde. Mais l’entreprise n’est plus que l’ombre d’elle-même. Elle n’employait plus que 7 600 personnes au dernier pointage, fin décembre. Ses comptes ont plongé dans le rouge depuis quatre ans, avec une perte nette de 2 milliards de dollars en 2015. En Bourse, l’ancien roi du charbon a perdu 99 % de sa valeur en quelques années, et ne vaut plus que 38 millions de dollars. Une misère.
Depuis 2012, plus de 50 producteurs américains de charbon se sont déclarés en faillite, afin de pouvoir trouver une solution avec leurs créanciers, dont Arch Coal, le numéro deux du secteur.
C’est qu’en quelques années, l’industrie du charbon, « King Coal », comme l’appellent les Anglo-Saxons, a subi trois grandes secousses. La première est l’essor du gaz de schiste. Aux Etats-Unis, cette révolution a provoqué un tel afflux de gaz sur le marché que les prix ont plongé. De nombreuses compagnies d’électricité qui brûlaient du charbon ont alors opté pour le gaz. En six ans, la part du charbon dans les combustibles utilisés pour fabriquer du courant outre-Atlantique a ainsi été ramenée de 45 % à 31 %. En 2016, le gaz devrait s’imposer clairement comme la première source d’énergie pour les centrales américaines, selon les dernières prévisions de l’administration américaine, parues mercredi.
Pour écouler leur production excédentaire, les compagnies minières américaines ont baissé leurs tarifs. Elles ont aussi expédié massivement leur charbon hors des frontières, en particulier en Europe, exportant ainsi la guerre des prix. Cela n’a pas suffi. Au bout du compte, elles ont dû adapter leurs capacités. Fermer des mines. Et le mouvement continue. En 2016, la production américaine devrait se contracter de 16 %, selon Washington. La plus forte baisse enregistrée depuis 1958.
La deuxième secousse est venue de Chine, le premier producteur et consommateur de charbon au monde. Avec le ralentissement économique, la Chine s’est mise à importer de moins en moins de charbon. Ses importations ont encore reculé de 1,2 % au premier trimestre, selon les dernières statistiques chinoises.
L’industrie du charbon souffre en outre d’une pression politique chaque jour plus vive. Des voix de plus en plus fortes se font entendre pour critiquer cette énergie sale, qui participe au réchauffement climatique. Cette dernière secousse aussi a contribué à faire tomber Peabody.
Son patron se dit persuadé que cette terrible tempête va bientôt cesser. Que la demande de charbon va enfin se stabiliser, et les prix du gaz remonter. « Le charbon est à l’origine d’environ 40 % de l’électricité mondiale, et il est attendu qu’il reste une ressource essentielle pour la production électrique comme pour la fabrication d’acier durant de nombreuses décennies », souligne Glenn Kellow. En attendant ces jours meilleurs, cependant, pas d’autre choix pour Peabody que de passer par le tribunal.