Le « team roping », sport de cow-boy ou cruauté envers les animaux ?
Le « team roping », un sport à l’assaut des bêtes
Par Aurélie Sipos
Directement importé des Etats-Unis, le roping imite le travail des cow-boys dans les ranchs, à l’occasion de compétitions très populaires mais contestées en France.
Une compétition de "team roping", a Prescott, en Arizona (2014). | Christian Petersen / AFP
Deux chevaux lancés à la poursuite d’un veau ou d’une petite vache, avec en selle, deux cow-boys, lasso en main, prêt à attraper la bête. Cela pourrait être une scène d’un western de Sergio Leone, mais c’est en réalité une compétition de « team roping ». Ce sport américain, peu connu des Français, s’inspire de la tradition de travail du bétail développé par les cow-boys. Dans le sud-est de la France et principalement en Camargue, des ranchs proposent des spectacles et des compétitions de ce sport made in USA, normalement interdites.
À l’ouverture des portes de sa « boîte », la vache, ou le veau, dans le cadre du calf roping- n’a que quelques secondes avant de se faire attraper par les cow-boys, lancés à toute vitesse derrière elle. Le plus rapidement possible, le premier cavalier, le « header », doit faire passer le lasso à la tête de la bête. Il la fait ensuite pivoter, pour présenter le postérieur à son coéquipier, le « heeler », qui envoie son nœud coulant autour des pattes arrières du bétail afin de l’immobiliser. Maintenue à la tête et au postérieur par des cordes tendues, la bête ne peut plus bouger.
Highlights of 03 NFR Team Roping
Durée : 04:57
Ce sport, très développé aux Etats-Unis, s’inspire du travail des fameux cow-boys. Au XIXe siècle, ces hommes étaient chargés de rassembler et de trier les bêtes, élevées dans des ranchs ou en semi-liberté. Le roping, qui signifie « attacher » en français, était pratiqué par les cow-boys pour immobiliser un bovin malade, afin de le soigner.
Mais des ranchs, le roping est passé aux arènes. Aux Etats-Unis, les shows de team roping brassent des milliers de dollars, les cavaliers les plus talentueux pouvant empocher de très gros chèques. Et le record de roping leur appartient : 3,30 secondes pour attraper et immobiliser la bête dans les règles de l’art.
Entre tradition et folklore Américain
Loin de ces sommes d’argent, en France les compétitions empruntent néanmoins tout le folklore de l’équitation western américaine. Drapeaux américains affichés partout, chapeaux de cow-boy à perte de vue et éperons vissés sur les bottes. Même si ce sport reste assez confidentiel, la France a déjà ses champions : les ropers Anthony Masclaux et Jordan Legay, plusieurs fois sélectionnés aux Mondiaux de roping. « Il y a du roping principalement en Camargue mais ça ne bouge pas beaucoup. C’est difficile d’organiser des compétitions. En Europe, bizarrement c’est en Italie qu’on en trouve le plus. Il y a parfois 400 ropers qui participent au concours », regrette Anthony, en partance pour une nouvelle rencontre de « team roping » en République Tchèque.
Un des freins selon Jordan Fabre, un « roper » situé à Saint-Martin-de-Crau (Bouches-du-Rhône), c’est l’argent. « C’est un sport qui coûte cher, en plus de l’entretien il faut aussi pouvoir bien entraîner son cheval, cela prend du temps et de l’argent », estime Jordan. Avec ses parents, il élève du bétail destiné à la consommation, et un troupeau domestique pour les stages d’entraînement. Régulièrement, ils ouvrent leurs portes au public pour des démonstrations de roping et pour faire découvrir l’équitation western. Pour imiter l’ambiance typique du Far West un saloon accueille les visiteurs, avec ses meubles en bois, ces crânes de buffles et ses cactus.
Mais la Fédération française d’équitation (FFE) ne reconnaît que certaines disciplines de l’équitation western, qui n’impliquent pas de bovins : le horsemanship, showmanship, le trail, le pole bending, le barrel race, le reining, le western pleasure, le ranch sorting. Et pas le roping. « Ce sport demande d’attraper et de faire tomber la vache ou le veau, ce que nous ne cautionnons pas », explique Christophe Aglietta responsable communication à la FFE. Même si les ropers l’assurent, « la tête est protégée et la bête entraînée », à voir les yeux écarquillés des bovins et des chevaux, le facteur stress semble important.
Le calf-roping consiste à attraper un veau le plus rapidement possible. | Flickr
Une discipline normalement interdite
En 2012, une note du ministère de l’Agriculture, basée sur une expertise vétérinaire (en PDF) reconnaissait que « les épreuves où des captures et immobilisations forcées du bétail, sont préjudiciables aux animaux dans la mesure où ceux-ci subissent des manipulations brutales pouvant occasionner étranglement traumatismes, chutes et blessures ». Adressée aux préfets, cette lettre permet d’interdire les spectacles de rodéo, dont le team roping. « Il convient donc, […] de veiller à ce que seules les manifestations encadrées par la FFE et les manifestations ou spectacles où se déroulent des épreuves ne présentant pas de risques pour les animaux soient autorisées. » Au total, elle pointe cinq articles du code rural et de la pêche maritime enfreints par le roping : L201-4, L214-1, L214-3, L214-15 et R214-85.
Mais dans les faits, les compétitions et les démonstrations publiques continuent de prospérer dans le sud de la France. « À Saint-Agrève, lors de l’équiblues, un vétérinaire de la Direction Départementale des Services Vétérinaires (DDSV) est venu pour surveiller la compétition. Il a pris le cardio de la vache avant et après le roping, et il y a vu qu’il n’y avait rien d’anormal », explique Anthony Masclaux. En entraînement et dans les concours, lui et son coéquipier n’ont jamais « cassé de vache ».
Pour Fréderic Freund, directeur de l’Œuvre d’assistance aux bêtes d’abattoirs (OABA), l’intérêt économique de ces manifestations passe avant les animaux. « Pour le moment, il n’y a jamais eu de problème, donc on ne fait rien. Jusqu’au jour ou il y aura un drame. Ce n’est pas assez trash pour les interdire formellement, et ça ramène du monde », estime le directeur. En attendant, des vétérinaires sont présents sur les compétitions, comme à l’équiblues, dont l’édition 2016 est déjà dans les tuyaux.