Les asperges blanches à la sauce aigrelette de Germain Bourré
Les asperges blanches à la sauce aigrelette de Germain Bourré
M le magazine du Monde
Le designer culinaire collabore avec de nombreux chefs. Les asperges lui rappellent son village natal et son « troisième grand-père », qui lui apprit le respect de la terre.
« Je suis originaire d’Averdon dans le Loir-et-Cher, un petit village à la lisière de la Beauce, à quelques kilomètres de Blois. J’ai passé mon enfance les pieds dans la terre et la tête dans la Renaissance et les vieilles pierres, imprégnées d’histoires anciennes.
Mon plat, une entrée très simple avec des asperges blanches, cuites au plus juste, est un hommage à Gaston, mon troisième grand-père. Pas de lien de sang entre lui et moi, mais un attachement depuis mon plus jeune âge : Gaston et Paulette étaient nos voisins à Averdon. J’avais 18 mois quand nous nous sommes installés dans cette maison, où mes parents vivent toujours. Des liens se sont noués très vite.
Germain Bourré. | Julie Balagué pour "M Le magazine du Monde"
A l’époque, les jardins étaient communs, et quand il a fallu faire une séparation, mes parents ont installé un portillon, qui était toujours ouvert. Gaston travaillait dans les semences et s’occupait des jardins – le sien, mais aussi le nôtre et ceux alentour. Il aimait profondément la terre, avec respect et humilité, et notait au quotidien la météo, ses semis, ses récoltes. J’ai passé beaucoup de temps avec lui. Ma sœur et moi faisions un arrêt chez eux tous les midis, car ils prenaient notre pain, et nous rapportions souvent un petit plat préparé par Paulette. Il y avait des échanges de tartes, de fruits, de terrines…
Un légume de saison
Gaston et moi, nous nous voyions tous les jours, au jardin, au village, ou près de la Cisse, une petite rivière où j’adorais aller pêcher et où il aimait faire de longues marches. C’est aussi là qu’il est venu mourir, il y a une dizaine d’années. Mes asperges ont sans doute cette allure aquatique en référence à ce cours d’eau, si symbolique pour lui et moi. Au potager, j’ai appris à vivre au rythme des saisons.
Julie Balagué pour "M Le magazine du Monde"
J’aidais sur certaines cueillettes, mais pour les asperges – l’une des premières récoltes, symbole du début du printemps –, j’observais juste Gaston à l’œuvre sur ses monticules. C’était un travail très précis, avec une petite gouge pour couper la queue des légumes dans le sol. L’asperge est une plante assez fantastique, avec un pied qui dure de longues années, une sorte de rhizome. Ce qui me passionne dans les asperges, surtout les blanches, qui poussent à l’abri de la lumière comme les endives, c’est que le noir est révélateur de couleur. Je trouve magique que pour obtenir des légumes blancs, on les mette dans le noir. On sent tout cela dans le goût de l’asperge, une notion terreuse, et toute la “sucrosité” du printemps… Dans ma recette, le vinaigre et la crème contrebalancent ce mélange de sucre et d’amertume.
Les asperges étaient un produit rare pour nous, il y en avait peu, et nous n’en mangions que quatre ou cinq fois dans l’année. Mais c’était l’annonce des cueillettes à venir. C’est aussi la façon dont j’ai envie de vivre et de travailler aujourd’hui. On plante petit à petit, on crée des relations. Pas besoin que cela pousse ou fleurisse trop vite. Je pense que les relations saines ont besoin de temps pour exister et donner de vrais fruits et des racines solides. C’est ce lien avec la terre, qui impose son temps, qui m’a construit. »
La recette
Ingrédients (pour 2 personnes) : 6 belles asperges blanches, 1/2 poivron vert, 4 c. à s. de crème fraîche, 4 c. à c. de vinaigre de vin rouge, sel marin, poivre du moulin, herbes du jardin (sarriette, thym, pousses de menthe…).
Les asperges : faire une petite incision (environ 3-4 cm) sous la tête et peler la tige en s’arrêtant sous l’incision, sans toucher à la pointe. Porter une casserole d’eau salée à ébullition, réduire jusqu’au frémissement pour y plonger les asperges pendant 5 min au maximum. Aussitôt retirées, les plonger dans une eau glacée puis les sécher avec un papier absorbant.
La sauce : blanchir le poivron vert à l’eau bouillante et le peler. Mixer au robot, pendant 2-3 min., le poivron vert avec la crème et le vinaigre. Assaisonner de sel et de poivre. Réserver au frais.
Le dressage : avec un petit couteau d’office, faire trois incisions parallèles dans la longueur de la tige des asperges, sans couper les bouts. Poser trois asperges sur chaque assiette (ou ardoise) et écarter délicatement, avec la pointe du couteau, les lamelles de chaque tige. Parsemer d’herbes fraîches et servir avec une petite coupelle de sauce.