L’exil à Paris d’une Syrienne qui osa défier l’Etat islamique
L’exil à Paris d’une Syrienne qui osa défier l’Etat islamique
Par Christine Rousseau
Rezane raconte le quotidien de la ville de Rakka, prise en 2013 par les dijihadistes, et son arrivée en France comme réfugiée (samedi 21 mars à 20 h 30 sur France 24)
Rezane filmant à Rakka en caméra cachée.
Rezane raconte le quotidien de la ville de Rakka, prise en 2013 par les dijihadistes, et son arrivée en France comme réfugiée (samedi 21 mars à 20 h 30 sur France 24)
Se soumettre ou partir ? Rezane n’a pas eu le choix. Arrêtée en 2011 par la police de Bachar Al-Assad pour avoir distribué des tracts, la jeune militante s’est prise à espérer lorsque, en 2013, sa ville tomba aux mains des troupes rebelles. « Rakka [centre] aurait pu être le visage de la nouvelle Syrie, dit-elle aujourd’hui désabusée, mais la mauvaise gestion a permis l’arrivée de l’Etat islamique [EI]. » Loin de se résigner, la jeune femme a décidé de filmer en caméra cachée le quotidien de cette ville « marginalisée par les médias », devenue la capitale du califat autoproclamé de l’EI.
Sitôt diffusées partout dans le monde, ses images lui ont valu, ainsi qu’à ses proches, d’être menacée. Après avoir reçu de l’EI des photos de décapitations, Rezane a donc choisi de se réfugier à Paris, où Claire Billet et Lyana Saleh l’ont retrouvée et suivi durant ces premières semaines d’exil. Esseulée dans un pays dont elle ne connaît ni la langue ni les codes, loin de sa famille partie en Turquie, et de sa terre natale dont l’ultime lien est ce passeport qu’elle confie à regret à l’agent de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (« maintenant, je suis sans rien, sans chez moi, sans papiers ») Rezane – de son vrai nom Haya El-Ali – se raconte au fil de ses déambulations solitaires, entrecoupées de démarches, de rencontres avec des journalistes où inlassablement elle dépeint la mainmise de l’EI sur Rakka. « Ils sont en train de construire leur assise populaire. Même ceux qui sont contre Daech changent de bord. »
Ne pas oublier
Aussi désemparée soit-elle, « la Rebelle », contrairement à Mohamed, autre réfugié syrien originaire de Rakka torturé par les djihadistes, qui l’invite à oublier, ne veut effacer de sa mémoire les jeunes de Rakka qu’elle a filmés manifestant sous le regard des hommes armés de l’EI pour protéger une église ; ni cette petite fille qui réclamait le retour de son père emprisonné depuis un mois ou encore ces femmes criant dans les rues : « On ne veut pas d’un islam injuste ! Ce n’est pas notre islam ! »
Ne pas oublier, au-delà de l’exil, cette solitude qui nimbe ce – trop – court documentaire aussi édifiant qu’émouvant. Et enveloppe de mélancolie une jeune femme dont les beaux yeux verts rehaussés de noir disent autant que ses mots, poignants, sa détermination à repartir n’importe quand.
La Rebelle de Rakka, de Claire Billet et Lyana Saleh (Fr., 2015, 26 min). Samedi 21 mars à 20 h 30 sur France 24.