Trilinguisme en mode polar
Trilinguisme en mode polar
Par Renaud Machart
Arte rediffuse les huit épisodes de « The Team », excellente série coproduite par l’Allemagne, le Danemark et la Belgique (jeudi 21 avril, à 20 h 55, sur Arte).
Arte rediffuse les huit épisodes de « The Team », excellente série coproduite par l’Allemagne, le Danemark et la Belgique (jeudi 21 avril, à 20 h 55, sur Arte).
Comme nombre d’autres pays [européens], nous constatons [que] la fiction “locale” attire de plus en plus de public, dépassant même les séries américaines, longtemps hégémoniques. A quelques exceptions près, dont la France, les fictions nationales font désormais partie des cinq ou dix meilleures audiences annuelles sur les chaînes publiques européennes », disait François Tron, directeur des antennes à la Radio-Télévision belge francophone (RTBF) dans nos colonnes (Le Monde du 17 août 2015). On le comprend, à regarder la production européenne grandissante, d’une saisissante qualité, bien souvent, et on s’en persuadera plus encore avec les huit épisodes de « The Team » (2015) qu’Arte a la bonne idée de rediffuser.
Coréalisée par Kathrine Windfeld et Kasper Gaardsoe, d’après l’excellent scénario de Mai Brostrom et Peter Thorsboe, « The Team » est une affaire d’équipe : coproduite par l’Allemagne, le Danemark et la Belgique, elle distribue les rôles principaux à trois policiers d’Europol, l’Allemande Jackie Mueller, la Belge Alicia Verbeek et le Danois Harald Bjorn, respectivement interprétés par Jasmin Gerat, Veerle Baetens et Lars Mikkelsen, ce dernier étant connu notamment pour son incarnation poutinienne du président russe, Viktor Petrov, dans « House of Cards ».
Entre luxe et bas-fonds
Cette « équipe commune d’enquête » (ECE) est formée après qu’une prostituée a été assassinée dans chacun des trois pays. Le mode opératoire est chaque fois identique, et un coupable semble vite trouvé. Mais le scénario pratique l’art consommé de la chausse-trape, et l’affaire prend un tour rhizomatique à degrés multiples.
Chaque policier parle sa langue chez soi ; une fois ensemble, les protagonistes passent à l’anglais. Les Flamands parlent parfois le français – l’un des personnages centraux est wallon, mais ne connaît pas le néerlandais… –, de sorte que la couleur de « The Team » semble parfaitement européenne, avec une dimension internationale qui la rendra familière aux autres publics, en particulier anglo-saxons, qui y retrouveront les codes narratifs et visuels des meilleures séries nord-américaines. Le tout bien filmé, en ville, entre luxe et bas-fonds (l’un des sujets est l’esclavagisme humain contemporain), mais aussi dans de magnifiques paysages alpins.
Contrairement à « Secret State », qui frustrait par le fort compactage en quatre épisodes de sa dramaturgie, la structure en huit volets d’une heure chacun de « The Team » permet au récit de se développer naturellement. Elle offre aussi l’avantage d’ouvrir quelques fenêtres sur la vie personnelle des personnages principaux, voire de certains rôles secondaires.
Certaines de ces incises paraissent énigmatiques : si elles ne frustrent pas le téléspectateur, elles mériteraient cependant un développement. Par ailleurs, la fin du dernier épisode semble ménager la possibilité que soit produite une nouvelle saison, où les enquêteurs, tous trois fort attachants, s’attelleraient à une nouvelle affaire criminelle.
Mais cette éventuelle saison 2 ne sera pas tournée par la même équipe : la réalisatrice danoise Kathrine Windfeld est morte en février, d’une tumeur fulgurante au cerveau, peu avant la diffusion dans son pays de « The Team ».
The Team, de Kathrine Windfeld, Mai Brostrom, Peter Thorsboe et Kasper Gaardsoe, Jasmin Gerat (All. - Dan. - Bel., 2015, 8 × 59 min.). Jeudi 21 avril, à 20 h 55, sur Arte.