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Les régulateurs du système financier américain ont annoncé, jeudi 21 avril, leur intention de durcir les conditions d’attribution des bonus pour les dirigeants du secteur bancaire. Ces nouvelles règles, qui ont été dévoilées à l’issue d’une réunion de la National Credit Union Administration, visent à réduire les prises de risque excessives en canalisant un peu plus le versement de ces primes, sans toutefois les plafonner, comme c’est le cas en Europe.

Les deux principales dispositions d’un projet des six régulateurs du secteur – dont la Réserve fédérale, la Securities and Exchange Commission et la Federal Deposit Insurance Corporation – concernent, dans le jargon de Wall Street les clawbacks, c’est-à-dire les conditions de restitution des bonus.

La première consiste à rallonger la période pendant laquelle le versement du bonus est différé. Celle-ci passera de trois à quatre ans. Les sommes, qui peuvent représenter entre 30 % et 60 % de la rémunération, sont bloquées mais peuvent continuer à être investies pendant cette période.

L’autre mesure est coercitive. Si un établissement financier considère que le dirigeant a fauté en provoquant des dommages à cause de ses prises de risque, le groupe a sept ans pour réclamer le remboursement des bonus promis et perçus.

Ces dispositions sont dans le droit fil du Dodd-Frank Act de 2010, qui vise à réguler le secteur financier après les excès de la crise de 2008. Elles ne concernent en fait qu’une poignée de décideurs ou de traders, qui font partie des 5 % les mieux payés au sein des institutions financières gérant plus de 250 milliards de dollars d’actifs (221,5 milliards d’euros). Pour les établissements de plus petite taille (entre 50 et 250 milliards de dollars d’actifs), seuls les 2 % les mieux rémunérés sont visés.

En première ligne, les patrons des six grandes banques

Outre le niveau de rémunération, les régulateurs ont choisi un critère de prise de risque. Les financiers qui ont le pouvoir d’engager personnellement plus de 0,5 % du capital de leur institution verront changer les conditions de versement de leurs bonus.

Sont visés en première ligne les patrons des six grandes banques de Wall Street, qui ont touché un total de 130 millions de dollars (115,26 millions d’euros) au titre de 2015. Le président-directeur général le mieux payé est Lloyd Blankfein, celui de Goldman Sachs, qui a perçu 30 millions de dollars ; devant James Dimon, son homologue de JPMorgan Chase (27 millions de dollars). Au sein de ces six établissements, 52 000 personnes répondent aux critères définis par les régulateurs.

Les régulateurs ont pris leur décision sous l’insistance de Barack Obama, le président des Etats-Unis, qui souhaite agir un peu plus contre les rémunérations excessives de la finance avant la fin de son mandat. Ces demandes trouvent un écho favorable dans la campagne des primaires à l’élection présidentielle du mois de novembre. L’un des deux candidats démocrates, Bernie Sanders, ne cesse de vouloir limiter l’influence des grandes banques, forçant son adversaire, Hillary Clinton, à faire évoluer son discours concernant ce domaine.

Les actionnaires des banques commencent à y trouver à redire. Une résolution demandant la rétention des bonus sera soumise au vote lors de la prochaine assemblée générale de JPMorgan Chase. Le lobby bancaire, lui, voit dans ces mesures de nouvelles incitations pour les dirigeants à fuir le secteur régulé pour aller exercer leurs talents dans des fonds spéculatifs ou dans la Silicon Valley.